Antonella était connue comme étant une femme… Bourrin. Ses premiers mois à l’institut n’avaient laissé que peu l’occasion aux gens de penser autre chose que ça sur elle. Colérique, violente envers le mobilier et les oreilles des étudiants quand il y avait bavardage (ah, la craie sur le tableau <3), peu accessible humainement… Peut-être envers les héros, quand ils étaient « entre eux », mais dès lors qu’elle DEVAIT faire cours aux vilains également, c’était fini, elle ne laissait plus rien passer d’agréable. Et comment dire que les cours mixtes s’étaient beaucoup trop enchainés depuis son arrivée ? Et donc par suite logique, Antonella fut aperçue comme une professeure excécrable... également par les professeurs qu'elle ne cotoyait que peu, voire pas pour certains. (Les vilains, en général.)

Avec cette pancarte-là au dessus de sa tête, qu’elle ne fut donc pas sa surprise quand elle déchiffra (avec reverso) un papier retrouvé dans son casier… L’invitant, elle, professeure si sexy en colère (c’était ce qui était inscrit! Ainsi que d'autres conneries...) à aller prendre le café à une adresse précise… Ahem.

C’était une blague ? La signature contenant un « Professor P », la brunette essaya d'abord de passer en revue les professeurs dont les prénoms commençaient par P… Prénom, ou nom… Et donc... Shit. Il y en avait tant. Et puis, qu’est-ce qu’elle s’en fichait de cette mauvaise joke ! Le papier s’était bien rapidement retrouvé chiffonné… Avant d’être déplié à nouveau. … Le célibat l’avait rendu casanière et… Blague ou pas… c’était l’occasion de prendre l’air, non ? Il était où ce café déjà… ?

Antonella n’était pas dupe. Aucunement. Si elle était là, c'était juste parce qu'elle voulait voir qui était ce mystérieux Professeur P. et lui apprendre à rester bien sagement dans son coin, les yeux baissés, au lieu d’écrire de telles inepties soit disant romantiques ! Alors, pour le piéger, Anto s’était garée non loin de la terrasse du café en question, restant à califourchon sur sa moto. (Achetée il y a peu, elle ronronnait si magnifiquement...) En combinaison intégrale et avec son casque encore encré sur sa tête, elle se savait inaperçue ainsi (couverture simple et efficace, usée de nombreuses fois à Jacksonville, validée depuis si longtemps). Plantée faussement sur son téléphone, sa visière teinté du casque lui permettait de virer discrètement son regard de temps à autre sur la terrasse, attendant de voir un visage connu …

Le temps passait mais je ne partais pas encore. J'avais pris de l'avance sur l'heure de cette supercherie ridicule alors je savais que je devais attendre. Quelques fois, j'observais mon nokia, l'air de rien, mais restais à l'affut. Entre ça et quelques autres conneries que faisaient les motards, puis le fait d'être brouillée par le passage de nombreux véhicules et autres deux roues, garée de l'autre côté de la rue.. c'était parfait. Et l'excitation de la filature m'offrait un pouls accéléré. Clairement, ça me manquait... Et Paris était bien calme par rapport à Jacksonville, Floride. Est-ce que j'étais en train de dire que je préférais avoir un peu plus d'actions dans ma nouvelle vie ? Peut-être. Je m'ennuyais à mourir et être professeure n'était vraiment pas mon dada. Je m'y emmerdais sévère et... je crois que c'est à cause de ça que j'étais venue ici suite au mot. Pour un peu d'excitation, d'actions, pour retrouver le créateur de cette connerie de rendez-vous et offrir à mon coeur des pulsions un peu plus déchainées. Et pourrir quelqu'un. Hors des limites de l'institut. Surtout que pour être prof, fallait être majeur, hein ? Donc je pouvais tabasser du débile en toute légalité théoriquement!

Mon regard vira de la terrasse lointaine à mon nokia, encore une fois, avant de retourner à sa cible de base et... du monde. Enfin, un homme. La carrure solidement carrée, digne d'un ours avec ses épaules et sa barbe. J'observais l'homme... qui me disait vaguement quelque chose et... ... Bordel, c'était ça. Un p'tain de prof des vilains. Mais il se prenait pour qui ce gros pervers là ?! Les poings me démangeant, je finissais par défaire mon casque et y glissais ma paire de gants dedans avant de me lever de ma moto. Faisant pendre à mon avant-bras mon équipement de protection, je traversais la route en remettant par automatisme mes cheveux correctement puis m'arrêtais aux côtés du débile de vilain... qui lisait. Tiens donc, ça savait lire les cons ?

Je jetais le mot chiffonné entre ses pages ouvertes et son torse -me retenant de lui balancer directement dans la gueule- avant de croiser mes bras sur mon propre tronc.

"C'est toi, ça ?"

J'en étais persuadée. Quel était le pourcentage pour qu'un professeur random de l'institut ne vienne à cette heure-ci à cet endroit là ? ... Je ne saurai pas calculer mais j'étais sûre que les chances étaient nulles. Sans me douter que le hasard n'avait rien à faire là dedans, et que des trous du cul de vilains en herbe nous observaient au loin, s'attendant à du sang, j'observais de haut mister barraque.

"Si tu te crois intelligent, on va voir comment tu vas te sentir quand tu vas retourner dans ta putain d'école avec la gueule déformée et ton livre où je pense. On verra si tu me trouves toujours si sexy en colère, en passant."

Ok, j'y allais peut-être fort, surtout que je ne faisais aucun effort pour parler sa langue, restant sur la mienne, mais autant faire comprendre aux vilains qu'il ne fallait pas me chercher et que j'allais pas m'emmerder avec la grosse pustule poilue qu'il était.