Sur les traces de mon père ♦ Arès & Barthelemy

Sur les traces de mon père
ft Arès & Barthelemy

Mila never told you what happened to your son. I am your son.

Ça y était, il était en position, comme un sniper placé stratégiquement, Arès avait les baskets fermement ancrées à l'Institut. Le liseré citron de son uniforme rendait bien, terriblement bien sur son col remonté négligemment dans un style imité mais jamais égalé. Il faisait partie de la dream team dorée, de la fine équipe divine, en bref, loin de tout chichi ; des FAPFAP. Rien que ça. Certains poussins picoraient déjà sous son étendard jaune sans qu'il n'ait eu à dégainer la carte Mère, celle de la sérénissime mademoiselle Mila. A vrai dire, Arès préférait garder cette information confidentielle pour le moment, quand bien même il avait bavé sur son identité dès son entretien - il défiait d'ailleurs quiconque de le relever sous peine d'être boxé en bonne et due forme.
Fallait-il ajouter au panel de ses réussites les retrouvailles avec Loutron ? Oui, définitivement. Mais dans son nouvel espace temps, il lui restait encore à rencontrer son père et Arte. Haut les cœurs ! aurait scandé son meilleur ami, oui, d'accord, facile à dire, dans les faits, son cœur prenait l'encouragement à la lettre et palpitait au bord de ses lèvres - en ce qui concernait papa. Légitimement, il ne pouvait pas avoir de doute, le Barth aux tempes un peu plus grisonnantes le vénérait à l'instar d'un chérubin divin. Aucune raison de douter de l'affection d'un Barthelemy aux cheveux intégralement bruns, pas vrai ?
Arès s'était aventuré vers l'espace enseignant, à la recherche d'une plaque métallique étincelante d'une écriture gravée ; Barthelemy Leclercq. Le bureau de p'pa devait bien être quelque part, coincé entre celui d'un anime-emo-boy Prins et d'une Antonella Pierce-je-suis-inconnue-au-bataillon-je-n'appartiens-pas-du-tout-à-une-grande-famille-de-super-héros-(AH !).
Enfin l'adolescent trouva la porte. Il n'hésita pas bien longtemps - voire pas du tout - avant de pousser le battant. C'était son père après tout, donc son bureau à lui aussi. C'était très logique et ceux qui ne comprenaient pas le lien n'avaient tout simplement pas eu de père (too bad).
De Barth pas de trace mais un fauteuil à roulettes qui fit le plaisir d'Arès durant quelques minutes. Assis à la place de son père, il patina des pieds pour faire rouler son fauteuil jusqu'aux tiroirs du bureau. À la recherche de...de quoi en fait ? Peut-être de traces de la vie passé du super-vilain, de celle qu'il n'avait pas eu l'occasion de découvrir véritablement dans sa propre époque.

- QU'EST-CE QUE TU FOUS LA TOI ?!

Arès sursauta - c'était que le sous-fifre lui avait fait peur à gueuler comme un putois ! De fait, l'adolescent n'était pas plus inquiet que ça lorsque l'homme entra dans le bureau, furibond, se saisit de son épaule entre les doigts de sa paluche moite et le traîna dans le couloir. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire contre lui hormis lui broyer - en vain - l'humérus ? Appeler ses parents ?

- Professeur Leclercq !

Phew.
La silhouette de Barthelemy se découpait devant la fenêtre qui donnait sur la cour, la lumière qui traversait les carreaux lui donnant l'air d'une apparition divine - ou plutôt, celui de l'antéchrist échappé des Enfers. A contrejour, Arès ne voyait pas son visage et le suspens accélérait les battements de son cœur.
Le sous-fiftre le traîna jusqu'au professeur et le planta là, comme un cactus qu'on rempote.

- J'ai surpris cet étudiant dans votre bureau, professeur Leclercq

Arès se dégagea avec facilité et réajusta la manche de son uniforme. Il finit par lever ses prunelles sur son père.

Sur les traces de mon père
ft Arès & Barthelemy

Mila never told you what happened to your son. I am your son.

Être un professeur à l’institut Trueman, c’est loin d’être une sinécure. Entre mon ancien boulot de super-vilain et ce que je fais aujourd’hui, j’en viendrais presque à regretter l’époque où je me faisais volontairement taper sur la tronche – toujours avec possibilité de répliquer, cela dit parce que j’ai toujours refusé d’être un vilain de seconde zone, ceux qui ne sont là que pour subir et encaisser. Une victoire contre moi, ça se méritait parce qu’il est vrai, je m’octroyais parfois le droit de sortir un peu des lignes établies du scénario. Je le faisais suffisamment pour m’amuser mais pas assez pour que ça donne des raisons aux héros de briser le contrat. Ce cher Trueman n’aurait pas apprécié de perdre de l’argent à cause d’un employé qui n’en fait qu’à sa tête – moi en l’occurrence. Alors j’ai dû improviser et je me suis plutôt bien débrouillé puisque je n’ai jamais eu de problème à ce sujet. Oui clairement, c’était la bonne époque. Désormais, même si je peux martyriser la plupart des élèves sans conséquence, il me manque tout de même cette sensation de défi, de réel challenge à relever. S’il y a bien eu ce combat contre cet apprenti-héros, ça n’a définitivement pas valu un affrontement face à un défenseur de la justice confirmé – lui n’en n’était (est toujours ?) clairement qu’à la première syllabe. Et puis, vis-à-vis des élèves, nous avons apparemment cette chose… Comment s’appelle-t-elle déjà ? Ah oui, la responsabilité d’apprentissage. Paraît-il que nous sommes là pour leur enseigner des choses – notre métier. Mais ne nous voilons pas la face : tous n’ont pas les capacités nécessaires pour être super-vilain. À vrai dire, très peu les ont. Et pourtant, mon rôle de professeur exige que je leur accorde tout de même un minimum de temps et d’attention. Et c’est ce qui fait que ce n’est pas simple. Parce que mon temps est précieux et que je pourrais le consacrer à autre chose qu’à essayer d’apprendre des choses à des incapables. Sans oublier que je prends également des heures pour corriger des copies lorsque je m’occupe de modules théoriques. La plupart d’entre elles sont médiocres et les mieux ne dépassent qu’en de rares occasions la mention de passable.

Moi qui espérais, en acceptant ce job, dénicher l’antéchrist de demain, je me dis aujourd’hui que j’ai sans doute eu les yeux plus gros que le ventre. Sauf que c’est trop tard : je suis là maintenant et je dois composer avec des chiards dont la majorité ne maîtrisent pas leur pouvoir. Dans certains cas, ce n’est certes pas dramatique. Dans d’autres en revanche, ça cause un certain nombre de dégâts matériels – bien plus importants et notables que les pertes humaines, la question ne se pose même pas. Et ça coûte de l’argent à l’établissement. Même si je dois dire que ça m’est égal tant qu’ils ne piochent pas dans le mien. Le fait que ça implique ensuite l’engagement de travaux qui peuvent perturber le déroulement des cours – bien plus qu’ils ne le sont déjà, oui. Et donc, pourquoi en arriver là ? Eh bien parce qu’un élève métamorphe incapable de contrôler son pouvoir s’est retrouvé à déchiqueter les tables de sa rangée dans mon amphithéâtre. Une réaction due à un énorme coup de stress au moment de composer pour l’examen que j’avais prévu et pour lequel ils étaient tous au courant. Pour l’élève, c’est réglé, je m’en suis assuré personnellement. Maintenant, il faut que je fasse un rapport pour l’administration afin que mes supérieurs hiérarchiques puissent faire appel à notre traditionnelle et inimitable entreprise amie : Damidot Rénovation. Pour ce faire, je prends le chemin de mon bureau – qui est à peu près le seul endroit où je peux encore espérer être en paix. Mais comme une journée merdique doit l’être jusqu’à sa conclusion, je ne parviens pas à atteindre le Saint Graal de la tranquillité sans qu’une voix ne m’interpelle à l’instant où je passe devant une fenêtre. Je m’arrête, tourne la tête tandis qu’un sous-fifre un peu trop lèche-botte s’avance dans ma direction, exhibant un élève attrapé tel un trophée pour le planter devant moi avant que ce garçon ne se dégage sans mal. « C’est bon, Spencer. Je prends le relai, disparaissez. », je n’aime pas ceux qui n’ont d’autre moyen que la lèche pour se faire remarquer. Toutefois, j’apprécie encore moins les petites fouines, surtout lorsqu’elles viennent de mon bureau. Alors pour cette fois, je laisse le sous-fifre se tirer et d’ailleurs, ce dernier n’attend pas plus longtemps pour quitter les lieux. Il laisse l’adolescent face à moi, sans doute sans se soucier de ce qui peut lui arriver. « Il vaut mieux pour toi que tu aies eu une bonne raison de t’introduire dans mon bureau. », dis-je au garçon en le fixant dans les yeux sans chercher à dissimuler la menace sous-jacente dans mes propos.