Bananier et Aubergine [Jörg]

Jörg était au bout du gouffre qu'était sa vie éternelle, ce qui ne changeait pas de son quotidien ou chaque chose avait un étrange goût insipide de déjà vu. Sa nuit avait été courte, ponctué de souvenirs néfastes du passé, ce qui lui avait fait ressembler à une des secrétaires peu commode que possédait l'institut Trueman dès le petit déjeuner. De ce fait, le professeur au physique trompeur avait orchestré des actions que bon nombre pourraient nommer de stupide ou suicidaire, finissant ainsi par passé l'arme à gauche comme il avait coutume de faire. Tout ça, pour un lifting gratuit, lui permettant de retrouver un physique des plus sains comme si sa nuit avait été des plus bonnes.

C'était que malgré son air blasé au plus haut point, il ne voulait pas faire concurrence avec les secrétaires en guise de beauté absente. En effet, Jörg avait une peau de porcelaine et un certain physique qu'il ne voulait pas délaisser. Oh, il n'était point narcissique, juste qu'il pouvait aimer prendre soin de lui. Après tout, il se raccrochait à chaque action qui pourrait lui faire passer le temps moins long. Un euphémisme puisqu'en tant qu'immortel, il était voué à être toujours là pour l'éternité. Si la fin du monde arrivait, Jörg en serait le témoin et l'unique survivant. Et il n'avait pas hâte de se retrouver seul, espérant pouvoir trouver quelqu'un capable de le tuer ou au contraire, quelqu'un qui serait aussi immortel. Peut-être que c'était comme les highlanders, seul un immortel pouvait tuer un immortel. Enfin, il n'était pas sûr de ça, mais qui ne tentait rien n'avait décidément rien. Et puis, cela pouvait être tellement marrant, dans le cas contraire, de s'amuser à se tuer mutuellement. En espérant que si immortel il y avait, ce dernier ne serait pas trop chiant sinon sa vie allait être pire que l'enfer qu'était son actuel présent. Un ennemi chiant qu'on ne pouvait vaincre, c'était lui ça et personne d'autre.

Malgré son apparence qui démontrait une fausse vérité quant à sa nuit, Jörg n'était pas d'humeur. Car s'il adorait tuer ou voir s'échapper une vie d'un corps, se souvenir de la Shoah et du camp de concentration dont il avait été le prisonnier n'était pas vraiment des souvenirs joyeux. Il serait bien incapable de donner le nombre exact de fois où les officiers l'avaient tué, faisant de lui un être de laboratoire. Au moins, il pouvait se vanter d'avoir fait avancer la science, quand bien même il n'avait été qu'un triangle rose. Vraiment, il en avait vu des horreurs de part son grand âge, mais il n'avait jamais vue de plus stupide que les nazis. Lui qui avait voulu vivre une idylle, s'était retrouvé enfermer en un temps record. Toujours vivre caché, quelle tristesse. Et après, on lui demandait pourquoi il avait l'air blasé ? Les gens étaient si fermés d'esprits que cela en devenait pathétique. Il allait finir par demander à ce qu'on puisse le geler et ensuite le réveiller quand la situation LGBT serait plus favorable, comme ça, il n'allait pas passer par une ennui des plus mortels.

Un énième soupire avait franchis ses lèvres alors que Jörg avait ouvert la porte de la salle des professeurs s'y engouffrant avec une grâce nonchalante. Le professeur immortel ressemblait à s'y méprendre avec un mannequin au vu de ses vêtements de marques qu'il portait. Il s'était stoppé dans son avancé parce que ses yeux avaient eu le loisir d'observer quelque chose d'inédit. Un bananier. Il y avait un bananier dans la salle des professeurs. Sa curiosité piquée, il s'était approché vers l'arbre, croisant délicatement des bras et penchant la tête sur le côté. Sa langue avait claqué contre son palais, tandis que sa voix un peu trop féminine s'était échappé.


C'était beaucoup trop tentant voilà tout. Oui, c'était un sous-entendu des plus cocasses. Et alors ? Qui allait lui taper dessus pour avoir osé le crier haut et fort. Depuis que c'était autoriser légalement, donc qu'il ne risquait plus de se faire exécuter pour homosexualité, Jörg ne se retenait pas pour avoir ce genre de propos. Il avait suffisamment été forcé d'avoir campé dans son placard, alors maintenant, il ne comptait plus faire le moindre effort pour ne pas choquer les pudiques et fermés d'esprit. Bien qu'il eût une folle envie de comprendre le pourquoi du comment un tel arbre avait pu avoir élu domicile dans la salle des professeurs, l'appel du café avait été des plus fort et ses pas l'avaient conduit jusqu'à un de ses collègues qui s'en chargeait.

Jörg s'était retrouvé à ses côtés, une main sur son sac en bandoulière et l'autre sur sa hanche. Il avait arrêté de regarder le graal se créer pour se focaliser sur son collègue dont il n'avait pas eu le loisir de croiser jusque-là ou plutôt s'en préoccuper plus que nécessaire. Il l'avait regardé de haut en bas comme s'il le jugeait ou plutôt l'analysait. Après son introspection loin d'être discret, Jörg s'était mit à lui parler.


Il avait un air relativement blasé sur les traits, comme s'il savait que son vis-à-vis pourrait avoir eu cette envie. Après tout, il avait une tronche d'adolescent et rare était ceux qui pouvaient le prendre pour un professeur de prime abord.


Il ne risquait rien à poser la question, car après tout, il était immunisé contre la mort alors rien de pire ne pouvait lui arriver. En tout cas, rien de pire par rapport à ce qu'il avait déjà vécu jusque-là.