Sleeping everywhere [Jayden & Hyo]

Depuis quelques jours, les cours ont officiellement repris. Et moi, j’ai définitivement - du moins, je l’espère - fait mon entrée dans la cour des futurs grands super-vilains. Parce que non, j’ai pas l’intention d’être là pour faire de la figuration mais bien pour me faire un véritable nom dans le milieu. Alors pour mes premiers modules, je suis particulièrement assidu. Pour l’instant, j’ai pas de préférence particulière pour l’un d’entre eux. Quoique… Étrangement, j’aime moins ceux où les profs en profitent pour nous martyriser. Mais bon, j’imagine que ça fait partie du job. Et peut-être un peu de ma condition. Je suis pas riche, je paie et j’assume tous les frais moi-même. Et a priori, mon pouvoir est pas aussi cheaté que ceux de certains. Peu importe, au final. Justement, ils seront tous bien surpris quand j’aurai fait mes preuves en tant que vilain et que j’aurai des contrats avec des héros connus. Bon, je suis loin d’être idiot. J’ai bien conscience que c’est pas pour tout de suite. Mais un jour, c’est une certitude.

Le soleil est déjà haut dans le ciel au moment où je me dirige vers le réfectoire pour le déjeuner qui va pas tarder à commencer. Ce matin, je me suis levé quasiment à l’aube et après avoir pris un petit-déjeuner, j’ai pas cessé d’enchaîner les cours. Mais désormais, la pause de midi est là. Ou presque. Je suis le seul, avec quelques autres étudiants, à être présent pour le début du service. Malgré les grondements peu discrets de mon ventre, j’attends patiemment mon tour. Lorsque ce dernier vient enfin, je prends tout ce qu’il faut : plateau, assiette, couverts, etc… Je fais même plus attention quand on me sert des simples pâtes au beurre et une tranche de jambon en guise de repas. Des ingrédients, une confection qui sont simples et qui me reviennent à cause de la couleur grise de ma tenue. Pourtant, je dis rien et je m’en contente. Même en voyant les plats gastronomiques qui sont servis à ceux dont la veste arbore une couleur rouge, significative des Overcheatés. Les pâtes, finalement, c’est simple, toujours bon - difficile d’en rater, normalement - et ça reste pas sur l’estomac au point de nécessiter une sieste digestive. Alors non, encore une fois, je m’en plains pas.

L’intérieur du réfectoire est encore bien vide, ce qui me laisse le choix du roi pour m’installer. Une aubaine qui est loin de se présenter tous les jours. Je prends donc mon temps pour observer la salle et voir où je peux être au mieux. Rapidement, je repère une table, dans un coin qui semble confortable. Et apparemment… Je me trompe pas. En m’approchant, je remarque un type qui est allongé, en train de dormir. J’hausse les épaules avant de délicatement poser mon plateau sur la table. J’hésite encore quelques secondes puis, je me décide à saisir l’inconnu par les épaules avant de me mettre à el secouer. Pas trop fort mais suffisamment pour être certain que ça le fasse émerger. Il finit par ouvrir les yeux, son premier réflexe étant de demander l’heure qu’il est en me regardant. « C’est le repas du soir. T’as dormi toute la journée, apparemment. », je lance en guise de réponse. Histoire de faire une petite blague, ça a jamais tué personne. C’est ce que je me dis, jusqu’à ce que l’inconnu laisse échapper un “oh non !” assez explicite. « Woh, doucement, je plaisantais. C’est l’heure du service de midi. », je rectifie, désireux de corriger le tir. Et loin de me douter que sa réaction a finalement rien à voir avec ma piètre tentative d’humour.

Tentative d’approche par l’humour : complètement ratée. Il a même pas l’air d’avoir fait attention à mes blagues, ni même d’avoir au moins entendu. Si c’est ça, ça me réconforte un peu puisque ça veut dire que c’est lui qui se montre pas réceptif à mon humour. Le problème viendrait donc de ce jeune homme et non pas de mes talents d’humoriste. Ce qui me permet de penser de cette manière, c’est le fait qu’il garde les yeux rivés sur l’écran de son téléphone. Je suis même pas certain qu’il ait réellement calculé ma présence à ses côtés. Il a presque l’air triste et moi, je reste planté là sans savoir quoi faire. Difficile de proposer son aide quand on ignore d’où vient le malaise de la personne. Alors j’attends, patiemment, sans rien ajouter qui puisse empirer la situation. Au bout de quelques minutes, il se décide enfin à poser son portable sur la table mais pour… Cacher son visage dans ses mains. Vraiment étrange, ce garçon. Voire même inquiétant, en fait. J’ai l’impression qu’il a juste envie de s’enterrer… Jusqu’à ce qu’enfin, il m’adresse quelques mots. « Je… D’accord, très bien. », conformément à sa demande, je détourne la tête de façon à ce que mes yeux ne soient plus posés sur lui. Je saisis pas tout lorsqu’il prétend que c’est seulement le temps qu’il redevienne présentable. Personnellement, rien me choque actuellement sur son physique mais bon, puisque c’est ce qu’il veut… J’ai pas trop le choix si je souhaite entamer une relation cordiale avec lui. Je prends donc mon mal en patience et j’évite de le regarder jusqu’à ce qu’il me dise que c’est bon.

Une fois que c’est bon, je porte de nouveau mon regard sur lui alors que les quelques changements effectués me sautent aux yeux. Il est soudainement devenu blond, non ? Je rêve pas. Mes yeux papillonnent un instant, comme pour vérifier que c’est pas un problème de vue. Une fois fait, il faut que je me rende à l’évidence : ça doit faire partie de son pouvoir. C’est la seule explication plausible que je vois. Je suis incapable de dire la nature exacte de sa capacité mais je pense pouvoir affirmer sans trop de problème que ça affecte au moins ses cheveux. Il retire enfin ses mains de devant sa tête avant de partir dans sa plus longue tirade prononcée jusque-là. Il semble être encore dans les vapes, ce qui m’aide clairement pas à savoir si c’est à moi qu’il parle ou si c’est un monologue. Dans le doute et pour éviter de paraître trop impoli, je me dis qu’il vaut mieux prendre le temps de lui répondre. « Aucun problème. J’ai pas été choqué, si ça peut te rassurer. Ah, parce que tu t’endors souvent comme ça ? Tu as de la chance que ce soit moi qui t’ai trouvé. Je pense que ça aurait pu se passer autrement, si ça avait été quelqu’un d’autre. Et regarde dans ton thermos, tu verras bien si elle t’a fait faux bond ou si tu dormais déjà profondément. », je lui conseille en pointant du doigt le dit thermos posé par terre, à côté de lui. Je note quand même la tentative de corruption du petit personnel. Mais je suppose que c’est normal vu l’endroit où on est.

On va bien voir s’il me répond et s’il le fait pas, tant pis. Je vais pas m’en formaliser. Et puis, peut-être qu’il aime juste s’entendre parler. Ou peut-être avoir des personnes qui se contentent simplement de l’écouter. Dans les deux cas, les gens comme ça existent. Je me sens un chouïa mal à l’aise quand je comprends qu’il me détaille. J’espère qu’il est pas en train de se dire qu’il est tombé sur un type désagréable ou quelque chose dans ce genre-là. Et puis, il se met à me reparler et je parviens à me détendre pour lui répondre à mon tour. « Oui, je suis nouveau. J’ai rejoint l’Institut Trueman depuis la rentrée de cette année. Je connais encore assez peu de têtes alors c’est normal que tu m’aies jamais vu avant aujourd’hui. Et toi ? », j’explique tout en écoutant la suite de ses paroles. Le magnifique ? Carrément ? Je reconnais qu’il est pas laid même si, selon lui, il peut encore faire mieux que ça. S’il le dit, étrangement, je veux bien le croire. « Ravi de faire ta connaissance, Hyo. Je m’appelle Jayden. », je réponds en lui retournant son sourire.

On me l’a déjà dit. Toi, un super-vilain ? T’as l’air trop gentil pour ça. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien en savoir ? C’est ce que j’ai décidé de devenir et j’ai bien l’intention de réussir. Mais en attendant, j’imagine que quelques bonnes actions ne vont pas entacher mon karma maléfique. Je tiens pas à devenir aussi guimauve que les super-héros, sur le long terme. Alors c’est en ayant ça en tête que j’accède aux différentes demandes de ce garçon qui me semble bien atypique. Et que je l’écoute, aussi. Et puis, je peux également dire qu’il est sympathique malgré ses étranges manières. J’arque un sourcil lorsqu’il m’explique son problème - difficile de qualifier ça autrement - de sommeil. « T’es tout le temps fatigué et tu t’endors beaucoup sans t’en rendre et n’importe où… T’es sûr que c’est seulement un problème de caféine dans le sang ? Tu devrais peut-être consulter. C’est pas normal de dormir autant. », je lui conseille, réellement inquiet pour sa santé. Et puis, s’il a un souci, ça va devenir difficile de suivre en cours et il va finir par rater ses examens et adieu l’espoir d’être un super-vilain. Franchement, je pense pas que ce soit ce qu’il veuille. Mais bon, je vais éviter de trop dramatiser la situation, surtout si elle en a pas besoin.

Heureusement, la conversation revient rapidement sur un sujet bien plus banal. Et tout en l’écoutant, je me dis qu’il doit avoir un tic puisqu’il vient une nouvelle fois de se passer la main dans les cheveux. Bon, ça reste un détail que je relève pas. Je me suis présenté, j’ai répondu à ses questions avant de les lui retourner. Je me sens un peu gêné quand je capte les compliments qu’il laisse dans ses paroles, le tout avec un grand sourire. Un peu effrayant quand même ce garçon, quand il fait certains gestes. « Un an ? Tu dois déjà bien connaître l’Institut et ses environs dans ce cas, je me trompe ? Et je… Merci. Je suis content de savoir que mon visage marque dans le bon sens du terme... », je réponds en pouvant qu’approuver ses dires, malgré tout. C’est vrai que la personne belle laisse facilement un souvenir, tout comme la personne qui l’est moins. Mais c’est toujours plus flatteur de faire partie de la première catégorie. Je pense que oui, j’aurais pu être vexé s’il avait laissé entendre que j’étais moche et désagréable à regarder. Ce genre de mots, ça blesse n’importe qui, que le visage ait été retenu avant ou non. Mais pour ce coup-là, j’ai donc pas à me sentir concerné.

De nouveau, Hyo se met à s’intéresser à son café. C’est qu’il a encore failli l’oublier. Il salue mon idée et il s’exécute avant d’avoir l’idée de potentiellement reporter, encore une fois. Il se penche pour saisir son thermos qu’il tient désormais comme un véritable trésor. J’ignorais que c’était à ce point-là et… Si, je le juge un petit peu, quand même. Mais je me tais. Apparemment, il y a bien du café à l’intérieur. Autrement, j’aurais probablement pas eu le droit à cette accolade - rapide avant qu’il s’écarte et heureusement parce que j’ai pas l’habitude… de ça - ainsi qu’à cet air plus que ravi. Et puis, le fait qu’il l’ouvre pour en boire quelques gorgées, ça m’aide pas mal, aussi. « Oh, ce sont des conseils basiques, tu sais. Rien de bien extraordinaire. Et non merci, je suis pas très fan de café mais c’est gentil d’avoir proposé. », je lui laisse en guise de réponse. J’ai bien compris que pour lui, proposer du café est un geste particulièrement généreux et que c’est sans doute une boisson très importante à ses yeux mais je vais pas me forcer à en boire si c’est pour pas apprécier. Alors je préfère lui dire honnêtement que je cours pas après. Et puis, vient le retour à la réalité du terrain. Oui, il est déjà midi. C’est pas comme si je lui avais dit une ou deux minutes auparavant. Alors oui, il commence à y avoir un peu de monde qui débarque avec un plateau. Moi-même, je suis venu ici avec l’intention de manger et mon repas est toujours posé sur la table. Contrairement à Hyo. « C’est ce que je t’ai dit, tu as beaucoup dormi. Les autres élèves vont bientôt arriver en masse. C’est le meilleur moment pour aller prendre son plateau. Je peux t’accompagner si tu veux, quitte à ce qu’on doive trouver une autre place en perdant celle-là parce que je bouge pas sans mon repas. », je lui propose en guise d’alternative. Je suis quelqu’un de prudent : je refuse de prendre le risque de m’éloigner de cette table sans mon plateau. Je peux concevoir l’idée de perdre la place mais certainement pas ma nourriture. On sait jamais, je suis certain que certains sont capables de voler, ici. D’où le fait que j’accepte de l’accompagner à cette seule condition.

Woh, compliqué ce garçon. Il dit avoir besoin d’utiliser presque constamment son pouvoir tout en précisant que ce dernier le fatigue quand il est en fonctionnement. MAIS le café l’aide à tenir. « D’accord, c’est normal… Mais ce serait pas plus simple de moins utiliser ton pouvoir ? Tu as réellement besoin d’y faire appel quotidiennement ? Je veux dire… Tu serais moins fatigué et ça t’éviterait ce genre de situation. », je demande, un peu incrédule. Il dit que c’est une obligation mais quel genre de pouvoir peut nécessiter d’être tout le temps sollicité ? Bonne question, tiens. « D’ailleurs, c’est quoi ton pouvoir ? Il doit être assez impressionnant vu la couleur de ton uniforme. », le rouge symbolique des omégas. Ceux qui viennent à l’Institut sur les conseils et l’argent de Trueman lui-même. Pour le coup, ça me rend particulièrement curieux. Quel type de pouvoir peut être puissant au point de rendre obligatoire une utilisation constante ? Je me le demande sincèrement. Au-delà de ça, oui, je m’inquiète de la santé de l’Asiatique. A trop haute dose, la caféine finit par être mauvaise, c’est bien connu. Alors quand on y est accro comme Hyo… J’imagine que ça peut vite jouer des tours. Sincèrement, ça m’embêterait qu’il lui arrive quelque chose. Je viens de le rencontrer mais je l’apprécie. Et ça a l’air d’être réciproque. Il me dénigre pas comme la plupart de ses homologues qui ont aucune hésitation à ce propos. Cela dit, je commence à m’y faire, ayant bien pris conscience que c’est là la dure loi de l’Institut.

Concernant Hyo, il y a même des fois où il est plus gênant qu’autre chose. Notamment lorsqu’il me fait des compliments sur mon physique. Pas que ce soit désagréable, en soi… Mais disons que j’aime pas spécialement en parler. Je sais pas trop pourquoi. Juste que ça me met mal à l’aise, c’est tout.  Je fais pas mon timide et non, t’es pas le premier à me le dire. Mais j’ai pas envie de m’éterniser sur ce sujet. », je réponds avec un regard presque suppliant. Heureusement, il enchaîne très rapidement sur la suite de mes paroles, pour mon plus grand soulagement.  « Ce serait triste de pas connaître le coin en un peu plus d’un an. Et je note, je penserai à toi si j’ai des questions ou des doutes par rapport au terrain de l’Institut. », s’il est pas trop fatigué, hein… ? Je me retiens de pouffer de rire. Je viens de le rencontrer mais ça me suffit pour comprendre qu’un Hyo pas fatigué, ça relève presque du miracle. La faute de son pouvoir, j’ai bien compris. J’hausse les épaules d’indifférence lorsque l’Asiatique affirme que j’ai pas de goût mais que tout le monde peut pas comprendre la magnificence du café. Je préfère pas répondre parce que ça peut emmener à une dispute stupide. Et puis, peu m’importe ce qu’il pense. J’aime pas ça, c’est mon goût. Point. Il y a pas à tergiverser là-dessus pendant des heures. En revanche, je garde tout de même à l’esprit que ce garçon semble parfois manquer de tact. C’est une information qui peut être utile si jamais il vient à toucher une corde bien plus sensible. Il faut que je me souvienne qu’il le fait pas nécessairement exprès. Et s’il le faut, je lui rappellerai que j’aime pas le café. Au risque de reprendre une remarque peu appréciable. De toute façon, ça me fera pas fuir pour autant. Heureusement que je suis pas plus susceptible que ça…

Nous revenons ensuite à une discussion plus importante : la nourriture. Parce qu’il est bien l’heure de manger. Et je l’ai déjà rappelé au jeune homme. Heureusement, il me croit même s’il m’a peut-être pas entendu. Je suis pas un menteur. Enfin… Pas envers des gens qui ont rien fait pour que je leur mente. Je le vois faire tous les efforts possibles pour réussir à se lever. « Jajay ? », je répète, arquant un sourcil. Je secoue la tête de gauche à droite, faisant ensuite mine de pas avoir entendu ce surnom ridicule. « Tu as raison, ce serait dommage de perdre la table. Je te laisse y aller, alors. Je garde tes affaires. Promis, rien va disparaître. A tout de suite. », j’enchaîne en guise de réponse. J’ai bien saisi l’importance que revêt son café et l’oreiller qui se trouve dans son sac. Je doute que quelqu’un lui pique, m’enfin bon… En tout cas, il ment pas non plus. Comme il l’a dit, il revient rapidement s’installer. Avec un plateau repas bien mieux garni que le mien et avec des aliments probablement meilleurs. L’avantage d’être considéré comme une élite dans le monde impitoyable qu’est celui des Supers. Il faut l’accepter et éviter de se faire bouffer. Quelques secondes passent sans qu’aucune parole soit prononcée. J’en profite pour m’asseoir et pour commencer à manger les pâtes qui sont dans mon assiette. « Tu fais la fine bouche ? », je demande en souriant, l’air taquin. Personnellement, je trouve qu’elle a une bonne tête, sa purée. Mais peut-être qu’il dit ça parce qu’il est habitué à mieux. Aucune idée. « Tes affaires vont bien, rassure-toi. Rien n’a été volé. J’y ai veillé personnellement ! », je lance en lui désignant son thermos et son sac. Pour ma part, les bouchées de pâtes et les morceaux de jambon me font du bien par là où ils passent.

La première chose que je me dis, c’est qu’au moins, ça a le mérite d’être particulièrement clair. La deuxième… C’est que je m’attendais pas à autant de conviction dans sa réponse. Il affirme qu’il est obligé d’utiliser son pouvoir au quotidien. Et ça se voit qu’il en est certain. Il explique même les raisons et même si j’ai du mal à tout comprendre, je lui laisse quand même le bénéfice du doute, comme on dit. « D’accord… J’ai aussi du mal à te comprendre, je t’avoue. Mais pourquoi pas, hein ? C’est une manière de voir les choses, d’assortir ses cheveux à sa tenue… C’est vrai que ce serait dommage de pas en profiter quand on peut le faire. C’est juste dommage d’être tout le temps fatigué à cause de ça mais bon, t’as fait ton choix. », je réponds en haussant les épaules. « Moi, ça m’est égal de pas être beau au quotidien mais je cherche pas particulièrement à plaire, aussi. Et puis, je me vois mal avec des cheveux bleus, je suis pas sûr que ça aille à tout le monde. Non franchement, le roux, ça me convient très bien. », je ricane à mes propres paroles. Et puis, il doit bien y avoir d’autres solutions pour varier les plaisirs, comme il dit. Enfin bon, lui, il a trouvé ça et j’ai pas vraiment à le juger. Il fait bien ce qu’il veut. S’il estime que ça vaut la fatigue qu’il se paye, grand bien lui fasse. Je suis pas son père, après tout. Il est assez grand pour se gérer tout seul et assumer ses responsabilités et ses actions. Puis, il satisfait ma curiosité concernant son pouvoir. Les autres Omégas sont beaucoup trop imbus de leur personne pour oser parler de leurs talents au gris que je suis. Du coup, j’ai jamais eu l’opportunité de voir à quoi peut ressembler un véritable pouvoir de rouge. Du moins, jusqu’à maintenant. Alors quand il m’explique en quoi consistent ses capacités, je l’écoute très attentivement. Hyo peut donc influencer les émotions des gens en fonction de.... La couleur de ses cheveux ? Ah, ceci explique donc cela. Donc, si je le suis bien, avec sa couleur actuelle, il peut me rendre plus triste ou plus joyeux. « Impressionnant ! Tu peux vraiment influencer sur toutes les émotions ? Dans ce cas, je comprends pourquoi tu as du rouge sur ton uniforme ! C’est génial, oui ! », je me retiens de lui dire que ce que je trouve le plus épatant dans son pouvoir, c’est ce qu’il est capable de faire aux autres et pas tant la conséquence que ça a sur sa chevelure. Mais j’ai pas envie de le vexer. Ce serait dommage de me prendre la tête avec le seul rouge qui accepte de manger à mes côtés.

Il me retourne pas la question et j’en suis bien content. Lui parler de mon pouvoir après ce qu’il vient de me dire, je me dis que c’est un peu rasoir, oui. Je préfère encore largement qu’il continue à parler de lui. Il est bavard mais au moins, ça fait passer le temps et j’ai pas à parler de moi. Je continue donc de l’écouter patiemment en répondant de temps à autre avant que Hyo n’aille chercher son repas pendant que je l’attends à notre table, tout en surveillant ses affaires. Il revient rapidement il peut constater que rien de ce qui lui appartient a bougé. Par contre, j’arque un sourcil en le voyant faire un peu la tête. Avant de comprendre que c’est un problème avec le repas. Je me retiens de lui signaler qu’il s’adresse peut-être pas à la bonne personne pour ce qui est de se plaindre du contenu de son assiette. Mais avant que je dise quoi que ce soit, il se rappelle lui-même qu’il a de la chance, contrairement à d’autres. « Oui, c’est encore pire pour moi alors ça me fait un peu de la peine que tu rejettes ainsi la nourriture qu’ils vous donnent. Mais si tu en as d’autres en réserve et que tu m’autorises à me servir dans ton plateau, je vais pas refuser ! », je réponds en commençant à tendre un bras pour attraper l’assiette de l’Oméga. « Mais tu es certain que ça te dérange pas ? Je peux prendre ton assiette, tu en es sûr ? », je demande en suspendant mon geste. Je préfère être certain qu’il change pas d’avis en cours de route. Finalement, je me dis que c’est bon quand il regarde son thermos et son sac. Je vois aussi que sa petite déprime est déjà passée puisqu’il a retrouvé la bonne humeur qu’il a depuis le début. Je profite qu’il boive un peu de son café pour finir d’attraper son assiette et le délester d’un peu de purée avant de lui remettre l’objet dans son plateau. Je lui prends pas tout, évidemment. Il faut bien qu’il en mange aussi même si c’est pas le repas le plus gastronomique qu’il connaisse. On mange un peu, sans rien dire jusqu’à ce qu’il manque de me faire avaler de travers avec ses paroles. « Je… Merci, toi aussi, t’es super. Les autres rouges me lancent tous des regards hautains et méprisants, quand ils me croisent. Alors que toi, tu vas jusqu’à manger et partager ton repas avec moi. Je serai donc ravi de te revoir, oui ! Je suis pas du genre à ignorer les gens que je connais quand je les croise dans les couloirs. Donc si t’as pas peur de t’afficher avec moi, c’est avec plaisir qu’on se dira bonjour même dans ces moments-là. », je lui réponds avec un sourire franc sur les lèvres. Oui, il est sympa ce garçon et je suis content d’avoir fait sa rencontre.

A vrai dire, je suis toujours curieux de connaître les pouvoirs de chacun. Je me moque bien qu’ils soient loufoques, inintéressants à première vue ou même carrément surpuissants. Parce que je me dis que les pouvoirs qu’on pense d’abord inutiles, eh bien, ils peuvent parfaitement surprendre. Il suffit de faire un effort de réflexion pour dénicher un potentiel pas toujours évident. Enfin bon là, Hyo, il a pas trop à se forcer. On comprend rapidement d’où lui vient sa couleur. Du coup, je suis content qu’il accepte de m’en parler aussi ouvertement. Surtout à quelqu’un comme moi qui, finalement, a rarement l’occasion d’entendre quelqu’un de fort lui parler de son pouvoir sans se faire insulter au passage - ce qui est apprécié, au passage. Et puis, l’Oméga semble content que je lui pose quelques questions. Ce qui, quand on y réfléchit, fait donc de nous : deux personnes satisfaites. « C’est génial ! En plus, t’as l’air de maîtriser ton pouvoir. Oui, j’imagine bien que c’est pratique et diabolique ! Même si bon, un vilain qui fait les yeux doux en prime, c’est pas commun. Mais bon, je suppose que ça peut être un nouveau concept ? T’as déjà envisagé de t’en servir pour autre chose que des simples services ? Genre, avec des pensées un peu plus… Diaboliques, derrière la tête. Après tout, c’est le ton à l’Institut alors je pense que personne t’en voudra si tu t’en sers pour autre chose que pour faire porter tes affaires ou pour avoir du café. Et puis, à moins que tu me dises le contraire, ta mère est pas là et je doute que tu connaisses toutes les personnes du bahut. A ta place, j’en profiterai ! Même si je comprends quand même que ça te fatigue. Et surtout, c’est normal d’avoir envie de se faire des vrais amis. », il n’empêche que si j’avais un tel pouvoir, je pense que changer la couleur de mes cheveux serait pas l’utilisation première. Mais il fait bien ce qu’il veut, j’ai rien à lui dire. Et puis, je connais peut-être pas tous les tenants et les aboutissants qui peuvent bien le pousser à faire ce choix. Je peux seulement respecter ce dernier. Un minimum.

En attendant, je me fais pas prier pour prendre une partie de la nourriture qui se trouve dans son assiette. Il est trop tard pour qu’il regrette son offre, désormais. La nourriture qui se trouve sur mon plateau m’appartient et je reviendrai pas là-dessus. Personnellement, ce que j’ai en plus me convient. On m’a jamais spécialement habitué à des goûts de luxe et c’est un avantage dans le sens où je me contente de peu. Par exemple, là où certains voient de la nourriture infâme… Moi, je vois presque un repas gastronomique. Autant dire que si je mange souvent avec Hyo, j’espère qu’il va continuer de partager son repas. Comme ça, j’aurai l’impression d’être un peu plus qu’un FDP. Un silence s’installe soudainement… Avant que Hyo y mette fin et ce, d’une façon inattendue. En me faisant des compliments. Oui même là, ça me fait bizarre de le dire. Surtout pour quelqu’un comme moi qui a plutôt l’habitude d’entendre des mots comme : minable, incapable, raté et d’autres qualificatifs tout aussi agréables. Mais lui non, il est pas comme ça. Il est gentil avec moi. « Parce que mon uniforme a des rayures grises ? Pour beaucoup, c’est un argument suffisant pour ne pas me parler et encore moins traîner avec moi. Mais toi apparemment, tu t’en fous et ça me va, hein ! J’ai pas l’habitude, c’est tout. Les autres sont peut-être des idiots mais malheureusement, ce sont eux qui sont dans des castes dites supérieures. Mais toi, t’es différent. Tu comprends pas ces Omégas parce que t’as appris à penser autrement. », j’arrive à prononcer ces phrases en gardant un minimum de contenance malgré les compliments qu’il me fait. C’est tellement rare pour moi d’entendre ce genre de choses que je sais pas comment réagir convenablement. Alors, je me contente de lui adresser un sourire en guise de réponse et j’attends, comme il me le demande. Je le regarde sortir son téléphone et pianoter dessus sans rien dire. Cette fois-ci, je me sens clairement rougir quand il prononce à voix haute la façon dont il me nomme dans son répertoire. « Oh euh, mon numéro, c’est… Attends... », à mon tour, j’attrape le téléphone qui est dans ma poche. Je le sors, je le déverrouille et je sélectionne l’endroit où mon numéro est noté - non, j’ai pas pris la peine de l’apprendre par coeur. Aussitôt, je le dicte à mon camarade pour qu’il puisse l’enregistrer. « Ecoute, ce sera avec plaisir pour s’organiser des petits trucs quand on pourra ! Et puis, tu peux m’envoyer des messages, ça me dérange pas. Par contre, je garantis pas de te répondre dans les minutes qui suivent, c’est tout. Il m’arrive de mettre du temps mais ce sera pas contre toi ! », j’explique en souriant également. S’il veut envoyer des messages, grand bien lui fasse mais il faudra pas qu’il se vexe si je lui en renvoie pas un de suite. « Par contre désolé, je fréquente pas les réseaux sociaux. Dans l’immédiat, j’en vois pas l’intérêt. T’as mon numéro, c’est suffisant pour communiquer, à mon sens. », je lui réponds en expliquant mon point de vue. Faut pas qu’il le prenne mal, c’est juste ma façon de faire.

Nous passons ensuite le reste du repas à parler de choses diverses et variées. Je continue de m’intéresser à ce qu’il est et à ce qu’il fait. Et s’il pose des questions sur moi, je lui réponds en toute franchise. Je pensais pas pouvoir avoir ce genre de discussion ici, avec un Oméga mais je suis content de constater que je me suis trompé. Tout se passe bien… Et puis vient le moment où nous devons nous séparer. Chacun d’entre nous récupère ses affaires, prend son plateau et se dirige vers la sortie. Après m’être débarrassé de mes déchets et de ma vaisselle, je prends la direction du foyer, ayant encore un peu de temps pour me détendre avant le début du prochain cours.