Fin de cours. Cela faisait quelques modules déjà qu’elle avait commencé à enseigner et… Antonella aimait bien. Bien sûr, les débuts étaient rudes pour les étudiants qui devaient s’habituer à avoir une professeure américaine ne voulant ni entendre de français dans ses cours (ou en tout cas, qui lui était destiné), ni entendre parler ou voir de faiblesses chez les héros. Mais chacun semblait s’y habituer et s’adapter… Et il y avait une entraide chez les bleus qui n’était pas désagréable à voir, même si elle perturbait souvent Antonella dans ses explications. Cependant, ce n’était pas le genre de chuchotis pour lesquels elle pouvait envoyer un stylo, une trousse, ou tout objet lui passant sous la main. Elle était rude et le savait, mais elle laissait les héros se traduire certains passages entre eux. La langue anglaise (ainsi que l’accent américain aux drôles de R roulants, certes) pouvait leur être compliquée et sur ce point-là, elle leur laissait du temps encore pour s’y habituer. Même si c’était une honte pour beaucoup d’entre eux que de ne pas avoir un certain niveau d’anglais. C’était quoi ça ? Il y avait littéralement deux écoles de super-héros dans le monde entier, une aux Etats-Unis et l’autre et France, et la 2ème était incapable d’avoir à 100 % des élèves bilingues ? C’était aussi absurde que chiant pour elle ! Et pour les étudiants, aussi, oui. Mais elle n’avait pas encore assez d’attache pour éprouver de l’empathie pour eux.

Chose qu’elle avait remarqué… la droiture et la sagesse du groupe. Silencieux, à l’écoute… Bordel, ça avait été d’un CHIANT ! Antonella ne demandait pas de bagarre ou autre, mais que diable, un peu de personnalités ! Et le peu qu’elle voyait, était dans des élèves aux antipodes de la classe, les uns des autres… ça n’allait pas se passer comme ça. Aussi, après son dernier cours, la quasi quadragénaire ne se priva pas de s’armer de son trombinoscope et d’imaginer un nouveau plan de classe. Il fallait alimenter cette masse de gentillesse un peu ! Leur sortir les doigts du cul et…

« Hm ? »

C’était qui elle ? C’était quoi ce ton mielleusement bas ? Etait-ce à cause du volume ou à cause du français employé que la Professionnelle du Bien ne releva pas la tête de suite ? Ce ne fut qu’à la fin de la seconde prise de parole de la rouquine que la brune releva enfin son regard. … Ok, Antonella n’était pas SI de mauvaise foi, elle n’avait tout simplement pas entendu l’élève et n’avait capté sa présence que par son arrivée dans son champs de vision. La laissant poursuivre, Anto ne resta pas figée pour autant. Penchée sur son bureau, son dos rejoignit le dossier de sa chaise et le bout de son stylo atterrit entre ses dents pendant qu’elle observait la timide, un sourcil arqué.

Anto la laissa parler. Encore et encore. Est-ce qu’elle essayait de reconnaître des mots français ? Non. Même si elle en reconnut mais ça n’avait ni queue ni tête, avouons-le. En fait, elle se demandait juste ce qu’une jaune venait faire dans sa classe. Et outre ça, peut-être que, autorisait-elle la demoiselle à continuer uniquement pour ne pas écraser le peu de courage qui écrasait la flagrante timidité de cette élève. … Bon, ça ne l’empêcha pas par la suite d’être elle-même. En américain. Avec son accent. Et un petit air condescendant.

« Je n’ai strictement rien compris à ton charabia de français. Alors, un, en anglais s’il te plait, et deux, augmente le volume de ta voix si tu veux que je comprenne quelque chose. » Etait-ce tout ? Non. « Enfin, si tu m’as comprise et si tu sais parler anglais… Et je t’avoue que vu le niveau anglophone générale de ton école, je me demande si je ne suis pas en train de parler dans le vide... » A tel point que sa propre voix s’affaiblissait elle-même, pensant réellement se parler seule, si la petite ne comprenait pas sa langue.

So-so-sorry Mrs gna gna gna. Roh bordel et cet accent dans ce bégaiement… Persuadée qu’elle avait en face d’elle une bonne petite française tout juste bon à s’excuser avec un accent bizarre, Antonella ne remarqua même pas que celui-ci n’était absolument pas français. Quand la mauvaise foi tenait l’étrangère, ça n’était pas qu’un peu… Aussi, elle roula encore des yeux, persuadée aussi que la vilaine n’avait absolument rien compris et qu’elle allait déguerpir. Mais non. Absolument pas. Au contraire, dans un anglais naturel (… et avec un accent franco… wait… c’était pas du tout un accent d’ici ça?)… Ok, il y avait des fucking anglophones ici, c’était GENIAL ! Ça offrit un peu de baume au coeur à la brune qui arrêta de pester soudainement dans sa tête et qui offrit de plus en plus d’attention au fur et à mesure du discours de l’élève. Bien sûr, quelques fois, son cerveau cherchait à reconnaître d’ou venait cet accent étrange et elle grimaçait en ne comprenant pas un mot mais au final le principal était compris. … Même si, bon sang, elle avait l’impression d’être à nouveau l’adolescente hispanoo-japonaise qui venait de débarquer aux Etats-Unis et face à un anglais nauséabond. Non, Antonella détestait l’américain et son accent. Et sa population… Oui, bon, ok, Antonella aimait peu de choses, vous l’aurez compris.

Du coup, le topo, si elle avait bien compris, était le suivant : Elle avait affaire à une étudiante vilaine qui n’avait jamais touché à un ordinateur car… elle avait vécu dans sa tour. Bon, ok, elle avait les cheveux longs la miss, mais elle était rousse et non blonde, c’était quoi ce remake de Rapunzel ? Et sérieusement, ça existait les parents comme ça ? Woh, à côté de ça, Antonella pouvait être élue mère du siècle. (Alors qu’elle en était très, très, très, […] très loin, au fond, elle même le savait.) Bref. Entre cette information et la suivante concernant le professeur l’ayant envoyé baladé vers un des braves adultes héroïques… L’adulte retint de plonger son visage dans sa main. Entre la débilité de l’élève a ne pas avoir compris le second degré, le fait qu’un tel professionnel existe (et soit aussi stéréotypé que ça…) et sa vie sortant d’un conte de fées… C’était compliqué, clairement, hein. Et elle finit, peut-être, par plonger sa machoire dans sa main, s’y accrochant comme pour ne pas exprimer davantage sa fatigue face à ce cas social qui venait d’arriver. … Mais au final, ok, ça se passa mieux quand l’étudiante avoua avoir compris l’ironie de son professeur. Ouf, elle sauvait les pots cassés et la santé mentale de l’héroïne qui finit par avoir une once de peine face à la détresse qu’elle voyait. Ça n’était que de la détresse, pas de l’idiotie. Et ça, Antonella l’acceptait. Aussi parce que c’était une élève jaune, hein. Si elle avait été bleue… ça ne se serait certainement pas passé ainsi. Et ses excuses, bon dieu…

« Ok, déjà, arrête de t’excuser d’exister, par pitié. » demanda la Tsumi dans un soupir. « Je vais voir ce que je peux faire pour toi. » En contactant Lila, par exemple et en voyant s’il n’y avait pas un adulte qui saurait donner des cours particuliers à la demoiselle pour rattraper son retard technologique. Parce que bon, il fallait l’avouer, Antonella était LOIN d’être une as dans cette connerie. Bien sûr, elle savait user d’un ordinateur (mais avait tapé un nombre impressionnant de fois son imprimante… Et sa tour… et ses écrans… Avant de se prendre un écran cathodique pour la solidité) mais son téléphone (un bon vieux Nokia 3310) exprimait clairement son non besoin de technologie. D’ailleurs, elle le sortit, pianotant et se mit à envoyer quelques messages à un collègue avec qui elle s’entendait bien et qui pouvait les aiguiller. « Ton identité, la date de rendue de ton devoir et… Hmmm… Ton sujet de devoir ? » demanda-t-elle en premier pendant qu’elle écrivait son sms.

« Oh, et le nom de ton abruti de professeur aussi. Je ne lui parlerai pas de toi mais c’est histoire de faire un classement des professionnels du mal au niveau de la crétinerie. » Plus bas, elle ajouta dans sa barbe « Il a gagné la 1ere place déjà... »

Sérieusement ? C’est une vilaine, ça ? Antonella se fit la réfléxion intérieurement. Entre sa timidité, sa gaucherie et… son côté mignon (elle devait se l’avouer…), elle s’éloignait tellement du profil stupide attendu dans la vilenie… Ou alors, peut-être était-ce un piège ? A cette pensée, elle releva les yeux de son écran, pour observer Kelyn, donc… mais retourna vite sur son sms. Personne ne peut rougir ainsi naturellement. Ou alors, peut-être était-ce ça, son super-pouvoir ? … Bonjour le super-pouvoir de merde, si tel était le cas. … Mais non. Elle croyait cette petite. Après tout, elle en avait déjà vu des fils et filles à papa, peu vraiment heureux d’être là. C’était triste de voir que beaucoup de parents forçaient leurs enfants à suivre leurs traces… Bon, oui, Altéa était une héroïne (cachée chez les vilains) et Anto en était fière mais elle ne l’avait forcé en rien ! Et non, elle n’aurait pas déshérité sa fille si elle avait réellement prit le sombre cursus de la vilenie… Elle aurait juste fait des recherches pour retrouver sa véritable fille, emprisonnée dans les entrailles de la terre puis poutrerait son clone négatif ! Mais ça n’était pas le cas, tout allait bien dans le meilleur des mondes, Altéa était la fille parfaite et sans histoire. Antonella en revint donc sur des pensées tournées vers cette fapfap dont la présence à l’institut était certainement forcée.

« Questionner… avec… du matériel de… » commença à répéter Antonella, se dictant elle-même afin de ne pas se tromper… Avant de buguer. « Quoi ? » Ça n’était pas le nom de l’auteur qui avait fait tilter, ni celui du professeur (qu’elle voyait très bien) : ne comprenant pas le français, elle ne vit pas la stupidité des noms, non. Ce qui l’eut interpelé, était plus… Le titre du roman. « Le matériel de jardinage ? » Ayant déjà jardiné, la professionnelle du bien essaya de mettre dans une même équation un humain et n’importe quel outil et… … Oh. … OH. D’accord. « Vous êtes vraiment des tarés dans votre branche... » Et c’était CA qu’on apprenait à sa fille chérie ?! … la mère se promit de passer un certain temps prochain avec sa fille afin de voir si avec toutes ces bêtises, elle n’aurait pas besoin d’aller voir une psychologue…

« Message envoyé. » ponctua-t-elle avant de remettre le nokia sur son bureau. Il ne restait plus qu’à attendre une réponse et cette petite Kelyn pourrait avoir la joie d’avoir un professeur particulier sur la technologie ! Et peut-être même qu’Antonella regardera au loin, un peu curieuse, espérant par miracle comprendre comment marche un copier/coller.

« Prends place en attendant, ne reste pas debout. » Début de l’interrogatoire. Anto ? Être sympa ? Peut-être, mais ça arrivera quand elle n’aura plus de doute sur cette élève. « On t’a déjà dit que t’avais pas trop l’air d’être faite pour la vilenie ? » Peut-être avait-elle un pouvoir fort puissant et qu’elle était ici pour apprendre à le manier ? Quoi que, Kelyn n’aurait pas les rebords de son uniforme en jaune si cela était le cas... « C’est quoi ton pouvoir d’ailleurs ? »