Je commence à voir une certaine récurrence dans cette histoire qui me plaît pas du tout. Qu’on me change de chambre une fois, je peux l’accepter et me faire à de la nouvelle compagnie – en plus, c’était clairement un mal pour bien vu les nouveaux colocataires que j’avais. Par contre, qu’on me change une deuxième de chambres après avoir en plus changé carrément de monde, c’est une toute autre histoire ! Déjà, j’ai pas tout compris à leur histoire de monde alternatif, ni vraiment comment on a fait pour arriver là. Je me rappelle qu’on était tous rassemblés dans le gymnase, qu’il y a ensuite eu des problèmes – une histoire d’ombres cheloues, si je me trompe pas. Puis sans prévenir, on s’est fait tellement dans cet endroit… qui ressemble à s’y méprendre à notre école en bien des points mais qui, en même temps, est très différent de par bien d’autres aspects. Déjà – et ça a franchement de quoi donner la migraine – les directrices Harker se sont… dédoublées. Ouais, je vois pas comment le dire autrement. Elles ont leur double : démoniaque pour l’une, angélique pour l’autre. Dans les deux cas, c’est leur total opposé et c’est extrêmement perturbant. Sans blague, une Mila gentille, c’est presque plus effrayant qu’une Mila qu’on a toujours l’habitude de voir gueuler. Justement parce qu’avec la gentille, on a le réflexe de nous demander à quel moment elle va nous exploser en pleine figure – je veux pas être dans les parages le jour où ça arrive, ce sera pire que l’apocalypse. Et apparemment, on avait même tous le droit à nos doubles mais ils seraient tous morts à cause de ces ombres. Et nous, on allait subir le même sort si on nous avait pas emmenés ici. Et je vais arrêter de trop y penser parce que ça réveille mon mal de crâne. À la place, je préfère imaginer ce que mon double pouvait bien être. Assurément, je le vois pas autrement que comme un aigle majestueux, fendant les courants aériens de ses puissants battements d’ailes. Qu’importe la version de moi-même, il est inconcevable qu'il ne soit pas un grand et dangereux oiseau de proie.

Mais il est temps désormais que l’oiseau gagne son nouveau – et définitif – nid. On me désigne un bâtiment tout en m’expliquant qu’il s’agit d’une des touuuuutes premières chambres au bout du couloir, à droite. Hochant la tête et remerciant mon guide, je me dirige vers le lieu indiqué. Sur le chemin, je me surprends à espérer que j’aimerais bien retrouver mes derniers camarades de chambrées. Bon, ils étaient un peu bizarres dans leur genre mais je commençais à m’y faire et en réalité, je les aimais bien. Le temps d’y réfléchir et je me retrouve sans trop y avoir pensé devant la porte de mon nouvel habitat. Ouvrant alors la porte, la première chose qui me frappe est… l’odeur. Ça pue ! Enfin, c’est quand même nettement supportable et j’ai connu pire mais c’est vrai que du coup, ça change pas vraiment de mon ancienne piaule mais je m’attendais pas à retrouver tant de similarités dès la première seconde ! À croire que tout a été précisément fait pour que je sois pas totalement dépaysé par rapport au monde d’où je viens. Est-ce qu’ils l’ont fait exprès ? Ou est-ce que toutes les chambres sont finalement comme ça depuis qu’ils ont perdu leurs élèves ? À titre personnel, je préfère la première option. Et sur cette réflexion, ni une ni deux, je me retrouve une nouvelle fois à faire mon lit. Je constate quand même que cette fois, le drap est entier – aucune bestiole ne semble y avoir fait des trous et ça, c’est plutôt chouette. Je termine pile mon installation quand j’entends que quelqu’un toque à la porte. Surpris – notamment par le fait que j’attendais pas si rapidement une visite –, j’ai à peine le temps de lui dire d’entrer que je me retrouve face à un visage qui m’est complètement inconnu. Et je m’y serais fait s’il s’était pas soudainement mis à déblatérer un flot continu de paroles pas toujours très compréhensibles. Je pense au moins capter le principal : il est mon nouveau coloc, il s’appelle Boniface Bénédicte et il est crevé. « Tu peux les poser là. », dis-je en désignant une chaise à proximité d’un lit encore vide. « Je m’appelle Diarmaid Tuathánach. Enchanté aussi, coloc. Et je le prends pas mal mais si tu veux te reposer correctement, va falloir faire ton lit avant. J’peux t’aider si tu veux. », et bien sûr que je suis très sympathique – pour quelqu’un qui veut devenir un super-vilain. Mais bon, il va bien s’en rendre compte par lui-même.