C'est Alzheimer ou vous n'en aviez juste rien à foutre que je sois là ?

Basilio adorait l’institut. Ç’avait beau être un repaire de boulet, c’était sa première VRAIE maison, la sienne, à lui. Loin de ses parents, de leurs disputes, de l’ambiance malaisante de sa maison familiale. Ici, en France, il avait une quasi indépendance, devant se gérer tout seul sans être aidé par Lancelot son beau-père, papa ou maman. Ici, il adorait  sa solitude -ou presque-, étant seul pour l’instant dans sa chambre d’Oméga. Il avait son havre de paix, que l’on respectait. Personne ne venait l’embêter dans sa chambre, si ça n’était sa sœur, qui en avait cependant le droit. Ici, s’il ne voulait pas aller manger, il n’y avait aucun souci. Et s’il souhaitait se nourrir de charcuterie, de fromages et d’autres conneries peu saines, il n’y avait personne pour le reprendre dessus. Il était un adulte que l’on respectait et que l’on considérait en tant que tel.

Il adorait tant cette fichue école que, lorsque Baz était rentré chez lui, à Jacksonville, l’été dernier, il avait débarrassé ses grosses valises de ses affaires sales et abimées, et avait aussitôt recommencé à les remplir. Ajoutant au fur et à mesure des vêtements propres et des habits neufs achetés dans la journée. Et plus la montagne de linge et d’affaires gonflait de volume et plus un sourire heureux s’implantait sur sa face : ces kilos en plus signifiaient que la rentrée se rapprochait. Mais outre le textile, un paquet cadeau se rajoutait toujours rapidement au fond de la valise, rapidement entassé par les nouveaux achats. Un cadeau joliment emballé. De la part de sa tante Antonella qui avait peur que son cadeau d’anniversaire n’arrive en retard si elle l’envoyait par la poste.

Pour l’anniversaire de ses 15ans, il avait eu un splendide kit d’encre, avec deux élégantes plumes et des parchemins. Basilio en avait pris grand soin, adorant ce cadeau qui aurait pu être vieillot, mais pas pour lui. Sa tante connaissait son neveu mieux que n’importe qui et elle savait comment parvenir à toucher son cœur. Et pour ses 16ans…

…

Ce jour-là, Basilio avait décidé de finir de ranger ses affaires, n’ayant ouvert que sa valise de vêtement à son arrivée. Et c’est après un long bug qu’il redécouvrit, dans son second bagage, l’emballage de sa tante. Il n’avait jamais ouvert son cadeau d’anniversaire. Normal, il l’avait oublié. Et après les évenements de ces derniers mois… Le laissant de côté quelques instants, se disant qu’il allait le brûler… Le curieux ne put finalement s’empêcher de déballer son cadeau. Et de découvrir un album photo.

Dans l’intimité de sa chambre, Basilio se sentit libre d’être touché. Antonella avait toujours été celle comprenant le plus son neveu malgré la barrière qu’il avait créé durant sa jeunesse. Et même là, à des kilomètres, en étant la personne qu’il détestait le plus… Il se sentait troublé par cette femme qui avait été une véritable mère. Les pages alors se tournèrent en silence, faisant découvrir ou redécouvrir des têtes, des souvenirs, des passages de sa vie, non sans le faire hoqueter sous un bref rire ou deux selon les photographies. Mais celle qui attira son attention, arrivant à sortir Baz de son moment de nostalgie, fut une photo datant de ses 4-5ans. Antonella en fond, souriant en observant le petit brun qu’était son neveu à l’époque, dans les bras d’un homme. Qui devait avoir la trentaine et qui avait un livre sur la physique quantique, le doigt pointé dessus, avec toute l’attention possible du gamin. Et c’est une fine écriture, sous la photo collée, qui permit à l’oméga de mettre un nom sur cette tête.

« Nathan Korsty… » Et c’est dans un enchainement de questionnement que Basilio finit par arracher la photographie du livre, l’étudiant de plus prêt. Il était étonnant qu’il n’ait pas fait le rapprochement entre le professeur Korsty, employé depuis bien avant l’arrivée du Tsumi ici et l’ami de sa tante dans son enfance. Un ami qui n’avait jamais eut peur de parler de choses compliquées à Baz malgré son âge. C’était pour ça que le gamin de l’époque l’avait autant apprécié ! Mais avec les années et les desseins de sa tante et de cet homme, les Tsumi avaient fini par perdre contact avec lui. Sans savoir réellement pourquoi, de manière précise. Trop proche d'Antonella pour glaner une information qu'elle ne voulait pas donner naturellement, son cerveau l'aurait tout simplement... oublié ?

Il n'avait aucun intérêt de quitter sa chambre, ce jour-là, de base... Alors... Que faisait-il, à chercher l'homme de partout dans l’institut, photo en poche ? Voulait-il recréer ce lien, avec lui ? Retrouver cette attirance intellectuelle envers cet homme ? Avoir à nouveau une personne intelligente et cultivée dans son entourage ? Apprendre d’avantage, sachant désormais tout le potentiel de cet homme ? Homme dont il avait suivi les cours avec beaucoup d’intérêt, mais jamais autant que s’il avait reconnu son « Oncle Nath » ? Non. Il venait juste de trouver un moyen d’aborder l’ombre d’Ironman pour lui subtiliser son pouvoir et pouvoir m-a-r-c-h-e-r à nouveau.

Basilio passa une bonne heure à chercher le professeur Korsty. Bien sûr, s’il avait été à pied, ç’aurait été beaucoup plus rapide pour lui d’arpenter tous les couloirs, mais bon. Pour le coup, il alla même au culot jusqu’à la salle des professeurs pour demander où est-ce qu’il pouvait se cacher. Et une destination fut donnée : le lac, un peu plus loin sur le terrain. BON. Retour à la chambre, il devait s’accaparer un sang bien spécial pour pouvoir s'y rendre.

La pelouse avait beau être entretenue, rouler en fauteuil était un véritable calvaire pour ses bras. Il pouvait bien y rouler une minute ou deux, mais bonjour les courbatures. Et il n’était pas question de se fatiguer ! Après tout, peut-être qu’aujourd’hui allait être le GRAND JOUR, ou il arriverait ENFIN à remarcher ! Autant fatiguer le mental alors, à l’aide d’un peu de télékinésie afin de voler au dessus de l’étendue verte, en direction du point d’eau du parc ! Pour le coup, le trajet ne dura que quelques minutes au lieu de dix économisées. Et bien avant d’y arriver, Baz put voir la silhouette de quelqu’un au loin, se rapprochant de celle de son professeur ! La confirmation se fit bien assez rapidement. Alors, à quelques mètres de lui, après s’être rapproché en toute discrétion (sans réellement le vouloir), l’adolescent se racla la gorge avant de commencer à parler.

« Bonjour Professeur Korsty. » commença-t-il neutrement, poursuivant son avancée jusqu’à arriver à ses côtés, se posant enfin. Lui demander la permission ? Selon s’il était bien luné ou pas (c’est-à-dire selon si un boulet l’avait encore appelé Stark précédemment), il se ferait peut-être envoyer dans les roses dès le départ. Autant donc lui faire comprendre la raison de sa venue assez rapidement, sortant de sa poche la preuve de ce qu’il allait avancer, la lui tendant.

« J’ai trouvé cette photo, dans un album photo de la famille… C’est bien vous dessus, je me trompe ? » Y aller par quatre chemins ? Basilio Tsumi ? Vous le prenez pour qui ? « Qu’un gamin de 4ans oublie son « Uncle Nath », c’est normal. Mais qu’un quarantenaire arrive à oublier un prénom et un nom… C’est un peu plus compliqué, non ? »

Son ton était loin d’être désagréable. Pour une fois, Basilio Tsumi se montrait… Neutre. Peut-être, tout de même, un peu touché qu’un ami de sa tante ne se soit pas rapproché de lui à son arrivée. Embêté, peut-être, surtout. Après tout, s’il l’avait su plutôt, il n’aurait pas écrit des pages entières sur lui (comme sur différentes personnes de l’institut), pour prévoir comment l’approcher et comment subtiliser son pouvoir dans son intérêt…