Girls don't cry [Annexe Mini-Event] - Khalee & Barbie

Cette journée ne semblait pas vouloir finir. Elle s’en désolait. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de dormir, mais Morphée ne semblait pas disposé à l’accueillir dans son monde d’éther, malgré la fatigue écrasante qui pesait sur ses paupières. Elle ne pouvait pas s’empêcher de retourner les derniers événements encore et encore au fond de son esprit, les yeux fixés sur le plafond de la tente. Malgré une certaine nervosité qui devait lui venir de sa récente empoignade avec Orian Harker, Basilio avait fini par céder à l’appel du sommeil. Il serait peut-être resté éveillé avec elle, si elle lui avait demandé, mais elle avait à peine esquissé quelques mots. Les tentatives du garçon pour percer sa carapace de mutisme étaient restées sans effet.
Barbara se disait depuis quelques jours qu’elle était probablement en train de tomber amoureuse de Basilio Tsumi, si toutefois elle ne l’aimait pas depuis leur première rencontre. Plus que n’importe qui, elle éprouvait le besoin de le sentir auprès d’elle, de parler avec lui, de tout, de n’importe quoi, de la météo, pour ce qu’elle en avait à faire… Cependant, il y avait des choses qu’elle n’était pas prête à partager avec lui… ou avec qui que ce soit. Ce qui se passait chez les Chevalier restait chez les Chevalier. Baz allait peut-être se poser des questions, mais elle préférait encore se taire.
D’ailleurs, il n’y avait rien à dire. Il y avait sans aucun doute une raison rationnelle pour laquelle sa mère, qui ne se manifestait pas plus de deux fois par an, qui était si distraite qu’elle en oubliait le nom de ses enfants ; sa mère qui l’avait abandonnée… non, pas abandonnée, confiée à son père dès la sortie de la maternité… il y avait forcément une bonne raison pour laquelle elle était venue à Rennes, sans avoir prévenu aucun de ses enfants de sa visite. Pour ce qu’elle en savait, peut-être que Pascal était au courant ? Barbara chassa rapidement cette pensée de son esprit. Son frère l’aurait appelée, ou au moins, lui aurait laissé un texto. Oui, il devait bien y avoir une raison. Qu’elle la connaisse ou non ne remettait pas en cause son existence.
Le cœur lourd, l’estomac noué, Barbara ferma les yeux et prit une ample respiration. Elle avait besoin de faire un tour… Le plus silencieusement possible, l’adolescente enfila son jean Diesel, ses Adidas et jeta son dévolu sur le sweat-shirt de Basilio. Quitte à ne pas se confier au garçon, elle pouvait au moins s’imprégner de son odeur.
La nuit était froide et aussi noire qu’on aurait pu s’y attendre. Alors qu’elle songeait à marcher un peu dans les bois alentours, Barbara se figea en apercevant une silhouette solitaire, assise près du feu de camp, depuis longtemps éteint. Intriguée, l’adolescente s’approcha. Les feuilles craquaient sous ses semelles et trahissaient sa présence. La silhouette mystérieuse semblait féminine. Plus elle s’approchait, et plus les traits lui apparaissaient dans toute leur netteté, secoués par des soubresauts réguliers, comme un hoquet.

- Khalee ?

Car c’était bien Khalee, seule, dans le noir. Elle pleurait. Sans même y penser, Barbara avait déjà en tête une dizaine de répliques assassines qui souligneraient le pathétique de sa situation, mais le cœur n’y était pas. Elle n’était pas du tout d’humeur à ouvrir les hostilités avec Causette.

- Entre nous, commença-t-elle de sa voix rauque, j’espère au moins que tu as une bonne raison de sangloter comme ça, parce-que c’est pas du tout flatteur.

Cela disant, elle lui tendit un paquet de mouchoirs, comme gage de paix.
Non, il n'y avait aucune attaque de sa part, juste un constat. Elle avait l’air horrible avec son visage rouge et bouffi, même si, après réflexion, l’adolescente n’était pas sûre d’avoir meilleure mine elle-même. Il aurait fallu être complètement aveugle pour ne pas voir la moue triste et enfantine qui flottait comme un spectre sur le visage de Barbara Gward.

Dégoulinante de morve, Khalee se moucha bruyamment, longuement, ce qui poussa Barbara à se demander si elle ne le faisait pas exprès. Ultimement, elle pensait que ce n'était pas le cas. C'était juste Khalee, agissant comme elle le faisait toujours, avec son habituel dédain pour toute forme d'élégance ou de finesse. Le prolétariat avait quelque-chose de tellement tragique...
Le regard de la FDP accrocha celui de l'adolescente. Il y avait dans ses yeux bruns quelque-chose de profondément blessé et pathétique. Oh, il aurait été si facile de s'en moquer. Elle aurait pu la rabaisser plus bas que terre, lui donner le coup de grâce et retourner se coucher avec la satisfaction d'avoir pris part au malheur d'un être aussi médiocre qu'intolérable. Barbie sentait pourtant qu'elle n'en aurait retiré aucune forme de plaisir. Elle n'avait pas la tête à ça. Et Khalee... Khalee ne lui évoquait pas autant que d'habitude un nuisible à écraser sous son pouce. Elle était peut-être tout simplement trop éreintée pour souhaiter la douleur de qui que ce soit, même Desmarais.
Sa question, prononcée entre deux sanglots, prit Barbie de court. Est-ce qu'une personne qu'elle aimait l'avait déjà fait souffrir en étant simplement elle-même... La gorge serrée, l'adolescente constata que le premier nom à lui traverser l'esprit était celui de sa mère. Elle bloqua là le fil de ses pensées. Elle ne pouvait pas... penser à ça... pour le moment. D'ici un jour ou deux, elle réaliserait à quel point tout son chagrin était absurde et Basilio... Basilio n'aurait plus à s'inquiéter pour elle. A l'heure actuelle, c'était encore trop compliqué.
Khalee venait de vivre une expérience similaire. Une personne l'avait blessée sans même chercher à causer le moindre mal. Elle avait bêtement fait preuve de consistance, en étant ni plus ni moins qu'elle-même. Elle avait laissé la FDP seule et désœuvrée dans la foulée. Voilà qui expliquait les larmes de crocodile.
Partager quelque-chose avec Khaleemero. Ah. Elle en était là. Génial.
Malgré le sentiment d'ironie mordante qu'elle éprouvait, la réponse de l'adolescente franchit ses lèvres dans un murmure étonnamment doux et honnête :

- Hum... oui. Ca m'est déjà arrivé. Assez souvent, même. Tu serais étonnée.

Rare moment de lucidité pour la Chevalier, qui n'était sans doute pas voué à durer. Cependant, à une heure tardive de la nuit, dans un froid indéniable, à côté d'une âme en peine qui continuait à pleurer comme une fontaine, au fin fond de la contrée la plus perdue, la plus insignifiante et la plus digne d'être rasée à la bombe atomique, le futur pouvait attendre. Le fait que Barbara Gward resta tête baissée, le regard fuyant, face à Khalee Desmarais, soulignait l'exceptionnalité de la situation.

- Donc... c'est quelqu'un que je connais ? La personne qui t'a fait ça, j'entends.

- Je suis désolée que ça te soit arrivé. Sincèrement.

Elle ne répondit rien. Ce simple aveu teinté d'honnêteté ne manquait pas de déstabiliser la Chevalier. Attirer la sympathie de Khalee Desmarais n'avait définitivement jamais figuré dans ses plans. Voilà où elle en était. Pathétique... elle se sentait, purement et simplement, pathétique. Pour peu, elle en aurait esquissé un sanglot de frustration, mais elle se refusait à tomber aussi bas ; sa dignité n'y survivrait pas.
Conjurant toute pensée déplaisante loin de son esprit fiévreux, l'adolescente tâcha de se reconcentrer sur le cas de Desmarais. Cette dernière lui confirma qu'elle connaissait en effet la personne qui lui avait piétiné le cœur, et qu'à vrai dire, tout le monde la connaissait. Ce n'était pas le genre à passer inaperçue. Le regard fixé sur les braises, Barbara songea aux possibles implications de ce nouvel aveu. Ce pouvait-il que Khalee fasse référence à un élève oméga ? Les mythos n'étaient pas moitié aussi remarquables, quoi qu'on en dise... un FAPFAP ? Elle n'écartait pas cette hypothèse, mais posait une sérieuse option sur les omégas. La jeune fille avait dans l'idée que réclamer un nom ne la mènerait nulle part. Même une Desmarais en état de détresse émotionnelle n'était pas suffisamment stupide pour lui confier une information aussi sensible. Cela aurait été absolument suicidaire, et Barbara ne niait même pas : elle aurait probablement trouvé un moyen de retourner ce renseignement contre elle, un jour ou l'autre.  Jouer les agneaux inoffensifs le temps d'une insomnie ne lui rendait certainement pas sa blancheur immaculée. Cela ne l'empêcha guère de s'asseoir docilement près de la jeune femme.
La question suivante lui causa un nouveau pincement au cœur, plus mordant, plus vicieux que les précédents. Instinctivement, l'adolescente enfouit le nez dans le sweat-shirt de Basilio, recherchant peut-être le réconfort de son odeur, ou simplement un moyen de se cacher, de se protéger du moindre relent de souffrance.
Rejet... elle détestait ce mot et tout ce qu'il impliquait. Il la glaçait du plus profond de son être.
Rejet... fascinant, la vitesse avec laquelle ces cinq petites lettres parvenaient à la faire paniquer.
C'était à elle que Khalee voulait demander comment tenir le coup face au rejet, vraiment ? Elle qui ne se permettait même pas de reconnaître l'absence de sa mère pour ce qu'elle était... jamais elle ne s'autorisait à prononcer le terme d'abandon, même en pensée.
Et comment ne pas mentionner le cas de Basilio ? Elle savait bien qu'elle avait donné au garçon le pouvoir de la blesser profondément, elle le savait et cela la terrifiait. Si elle devait se montrer parfaitement honnête, elle prenait tout son temps avec lui de peur qu'il ne la rejette et lui brise le cœur en deux. Repousser sa confession indéfiniment était bien plus facile, plus confortable que d'exposer ses sentiments au grand jour. Si Basilio devait ne jamais l'aimer... elle préférait encore croire aussi longtemps que possible à la possibilité de leur idylle.
La question demeurait entière. Que faire ? Que faire pour survivre au rejet ? Était-ce seulement possible ? Comment Barbara la reine des glaces s'y prenait-elle ?

- J'enfouis mes émotions si profondément que j'en oublie leur existence, murmura t-elle dans l'air froid de la nuit.

Ce qui, à bien y réfléchir, signifiait ni plus ni moins que de recourir au déni le plus pur. Un déni solide, bétonné. Avec le temps, l'exercice était devenu si intégral à sa personnalité qu'il tenait à présent de l'automatisme. Elle était douée à ce jeu-là... se persuader qu'elle ne ressentait rien... tout valait mieux que d'affronter la peine, et elle aurait souhaité que les nuits comme celles-ci, pleines de mauvais sentiments et de relâchement, n'existent jamais.

- Tu vas vite surmonter ça, Khalee, continua t-elle sans même y réfléchir. Après tout, tu as un don rare pour encaisser les coups.

Woooh, venait-elle réellement de faire un compliment à Desmarais ? Sans même déformer son prénom de façon humiliante ? Il n'y avait plus aucun doute possible, elle avait officiellement touché le fond...

La tête blottie entre les genoux, Barbara écoutait Khalee, l'expérience de Khalee, sa gestion des émotions. Scène surréaliste, elle en avait bien conscience. L'occasion ne se représenterait pas de sitôt. Oh, elle ne prétendait pas se sentir particulièrement proche de Desmarais. Mais elles discutaient. Sincèrement. Ouvertement. Sans jugement... ou presque, songea l'oméga en observant la FDP qui tamponnait ses yeux rouges et bouffis avec un nouveau mouchoir. Tableau proprement grotesque, il était vrai. Au détail près qu'elle en faisait entièrement partie.
Tout ça sur fond de plaidoyer pour le lâcher-prise, l'extériorisation des pulsions négatives. Exercice nécessaire pour ne pas avoir envie de s'en coller une au fond du caisson, si elle en croyait son interlocutrice. Se foutre en l'air... Khalee y avait-elle déjà songé ? Barbara n'y avait jamais réfléchi. Les autres ne l'intéressaient pas vraiment, et les quelques rares dont elle se souciait avaient bien souvent une fâcheuse tendance à ne pas se soucier d'elle, quoi qu'elle en dise... Contre toute attente, c'était à présent quelqu'un qu'elle méprisait au plus haut point qui lui donnait l'occasion de voir les choses à travers son regard, de se mettre à sa place l'espace de quelques instants.

- Après tout même mon pouvoir c'est l'automutilation. Ce qui me rend spéciale c'est souffrir.

Barbara secoua doucement la tête. Destinée assez peu désirable, elle en convenait volontiers. Elle-même avait abusé de ce pouvoir sur la jeune femme à plus d'une reprise. Dire qu'elle regrettait aurait été hypocrite, mais elle voyait parfaitement quelle souffrance pouvait accabler Khalee...
Non, elle mentait, elle ne voyait pas vraiment. Elle-même avait toujours fui la douleur physique aussi bien que psychologique, lui préférant le cocon rassurant du vide absolu. Son manque d'expérience sur le sujet l'avait certainement menée ici, auprès de celle qu'elle nommait némésis du bout des lèvres. Cela étant, elle pouvait imaginer, et c'était déjà quelque-chose.

- Mais je gueule, je m'indigne, je frappe des gens trop forts pour moi.

De cela aussi, Barbara pouvait en témoigner. C'était un comportement stupide. Et inconscient. Stupidement inconscient, ou peut-être, inconsciemment stupide. Voilà, tout était dit.

- Et ça aide. Je suis persuadée qu'on ne peut pas tout enfouir en soi éternellement, ça fait cocotte-minute et un jour où l'autre on bout de l'intérieur et c'est catastrophique. Et j'en connais quelque chose, quand j'ai fait mon burn-out à la fac de médecine ma tête a littéralement explosé.

- Ta tête a explosé ?

Elle ne pût retenir un petit rire faible mais léger. Cette anecdote l'amusait - et lui donnait peut-être quelques idées à exploiter plus tard, lorsque Desmarais aurait retrouvé son statut d'intolérable vermine. Boum ! Un crâne qui éclatait comme un ballon de baudruche ! C'était la une possibilité qui avait de quoi la divertir...
Quant au reste de cette courte mais intense introspection, elle demeurait sceptique. Les méthodes de Khalee lui paraissaient pour le moins douteuses.

- Tu veux me faire croire que ça t'aide, de t'attaquer à plus fort que toi ? Je te rappelle que tu te fais déboîter à longueur de temps...

Déboîter, oui, c'était le terme. Démembrée, désossée par tous les caïds de l'institut auxquels elle semblait prendre un plaisir masochiste à se frotter. La jeune Gward était l'un d'entre eux, bien entendu, mais Orian Harker prenait aussi sa part du gâteau, quand il n'était pas trop occupé à se battre dans la boue avec des adolescents en fauteuil roulant.
Elle avait beau retourner le problème dans tous les sens, elle ne voyait pas ce que Khalee trouvait à y gagner. Plus encore, elle ne gagnerait rien à ce que Barbara relâche la pression. C'était peut-être même la pire chose qui puisse arriver.

- Et crois-moi, tu ne veux pas que j'extériorise. Il est probable que je ne le veuille pas non plus, ajouta t-elle dans un murmure saturé d'angoisse.

Barbara se voyait mal purger le puits de colère et de frustration qui pourrissait ses entrailles. Il y avait des gouffres qu'il valait mieux garder inexplorés. Si elle venait à s'y plonger... elle ne savait pas quelle incontrôlable violence en jaillirait. Khalee avait déjà eu un aperçu de ce dont elle était capable lorsqu'elle tenait la bride, et aussi étonnant que cela pût paraître, elle ne tenait pas à la lâcher. Perdre le contrôle d'elle-même était la dernière chose qu'elle souhaitait.
Pour être parfaitement honnête, elle ne s'inquiétait pas tant des autres que d'elle-même. Il y avait des monstres de rancœur qu'elle n'était pas prête à affronter. Ni en ce jour, ni le jour suivant, ni jamais.

- Je... ne sais pas de quoi je serais capable, admit-elle finalement dans un souffle tremblant, à peine audible.

Le contrôle. C'était donc là le secret de la persistance inébranlable de Desmarais. L'impression que ses actions faisaient une différence, qu'elle ne restait pas passive et brisée face à des adversaires qui la surpassaient d'une pichenette agacée. Contre toute attente, le raisonnement n'était pas dénué de sens. Elle les obligeait à se défendre, et ça faisait déjà une différence. Cette résistance bornée paraissait bien futile, et cependant, les bénéfices psychologiques en valaient la chandelle. Tout du moins, c'est ce que lui soutenait Khalee. Oh, elle doutait fort que la jeune femme fût un exemple impeccable de santé mentale, mais qui était-elle pour juger ? N'était-elle pas en train de vider son sac à une heure douteuse de la nuit, dans un pays douteux et en compagnie bien plus douteuse encore ? Elle balaya cette pensée importune en inspirant profondément l'odeur de Basilio sur son pull. Il n'était pas question de sa sanité, mais de celle de Khalee, une éternelle perdante qui se mettait volontairement en danger pour se sentir (faussement) maîtresse de son destin. La chose portait à rire, bien sûr. Elle se serait épargné bien des tourments en acceptant docilement sa place sur l'échelle sociale, mais qu'en serait-il de sa dignité ? Jusqu'à ce soir, Barbara aurait été tentée de dire que Desmarais n'en avait jamais eue. L'amour propre n'était pas monnaie courante chez la plèbe des FDP, contrairement à une médiocrité exacerbée qu'ils semblaient cultiver avec une fierté affligeante.
Mais Khalee... Khalee était surprenante. Elle sortait du lot et l'adolescente ne savait vraiment pas quoi en penser. Elle ne savait pas non plus quoi dire et choisit donc de rester muette, le regard fixé dans le vague. Un silence hésitant s'était installée lorsque la FDP reprit la parole.

- Le jour où tu iras trop loin je serai là. Je m'interposerai, comme d'hab. J'encaisse bien les coups comme tu dis, alors ça ira.

Barbara secoua la tête, un léger soupir échappant de ses lèvres. Alors comme ça, ça irait ? Peut-être bien, oui. Peut-être que ça irait. Ou peut-être qu'elle ferait sauter la tête de pioche de Desmarais, juste pour le plaisir. Elle aussi pouvait rendre ça "soudain" et "incontrôlable".

- Tu es vraiment suicidaire, tu le sais ça ?


"Complètement siphonnée du bocal" auraient sûrement été des termes plus justes, mais "suicidaire" ferait l'affaire. Il y avait d'ailleurs une grande part de vrai, elle en était persuadée. Un expert aurait certainement eu beaucoup de choses à dire sur le cas de Khalee Desmarais.
Ses intentions restaient louables, peut-être même bienveillantes, malgré le bizarre de la proposition. Aussi, Barbara jugea t-elle bon d'ajouter :

- Merci quand même.

C'était à peine un souffle, un mirage nocturne échappé du bout des lèvres, et pourtant bien réel. Et est-ce qu'elle... souriait ? Pas un de ces sourires mauvais ou totalement faux qu'elle avait si souvent servi à Desmarais. Un vrai sourire, timide et enfantin. L'adolescente ne doutait pas qu'elle en serait mortifiée dès le petit matin. Mais en attendant...

- Ça va aller, toi ?  

La demande était sincère. Après tout, les reniflements disgracieux de Khalee étaient ce qui avait débuté cette conversation. Elle s'était pris le râteau du siècle et à présent, elles en étaient là. Quelle nuit bizarre...