Kazuma était loin de se considérer comme une personne faible. Il n’était pas vraiment peureux, il ne reculait même devant rien sans pour autant foncer et être crétin… Il se savait avec une certaine jugeotte, pour ne pas dire malin, et surtout, il n’avait pas vraiment d’attache, pour ne pas dire qu’il était presque dénué de toute empathie. Il faisait sa vie de vilain, avançait pour lui et ne se retournait que rarement pour voir les dégats qu’il avait fait sur les potentielles personnes sur son chemin. Après tout, elles n’avaient qu’à pas s’y trouver... Alors, peu après avoir investi sa chambre chez les rouges, lorsqu’il fut pris d’aigreur d’estomac, il ne comprit pas. Il inspecta son calendrier : le vermifuge avait bien été pris, son rendez-vous tinder n’était pas pour ce soir, sa rentrée scolaire ne le faisait absolument pas stresser, ni sa nouvelle vie ici, et encore moins le fait de ne pas savoir qui était son futur colocataire… Mais quelque chose le travaillait et… Il ne savait pas quoi. Mais il le sentait. Ça le prenait aux trippes. Ça l’affectait. Il stressait. Il y avait quelque chose qui allait arriver et qui le rendait mal à l’aise mais impossible de mettre la patte dessus, comme si son inconscient s’y préparait, sans avoir pour autant prévenu sa voisine conscience. C’était un sentiment étrange, qu’il ne ressentait que peu de fois… En général, c’était lorsqu’il ressentait l’odeur de Sasuke ou d’Emma dans les parages, inconsciemment, en tant qu’humain. Son esprit félin le captait mais n’était pas en raccord avec son côté humanisé… Au final, quelques secondes après, quand l’un des frères ou sœur Chevalier débarquait près de lui, il comprenait le petit tilt inconscient qu’il avait eu.

Ok, il se rapprochait donc de quelque chose. Quand Kazuma sentait quelque chose arriver sans mettre le doigt dessus, c’était donc relié à sa nature animale. Donc son autre moitié lui faisait comprendre que quelque chose allait devoir se faire… Qui le mettait mal à l’aise… Donc ça ne concernait pas Sasuke ni Emma (puisqu’il n’avait pas prévu de lui révéler sa nature…), il ne se sentirait pas mal sinon… (Il serait même heureux de voir le brun mais là n’était pas la question.)

S’ébouriffant la crinière en s’énervant après sa valise qui ne voulait pas passer sous son lit malgré plusieurs tentatives, un excès de colère fit sortir le bagage totalement et le blond l’ouvrit pour dégager ce qui gênait.

Son dossier d’assurance lui sauta aux yeux alors, à peine eut-il relevé le dessus du tissus. …

Léandre.

Léandre Raja, le secrétaire de Mila. Celui qui l’avait chouchouté durant des années, lui offrant croquettes et caresses à foison. Cet homme que Kazuma adorait (le plaçant en 3ème place après Emma et S… 2ème place après Emma, Sasuke n’avait rien à faire sur ce fichu podium!), avait désormais son dossier scolaire entre les mains. Et il avait beau avoir été rejeté de la Flander’s Company, Kazuma le savait malin. Aucun doute qu’il allait faire le lien entre ce nouvel élève mytho  et le chat qui était là, à ses côtés, depuis 3ans… S’il n’avait jamais trouvé cela étrange que de voir « son » chat semblant utiliser la souris de son ordinateur dès qu’il revenait dans la pièce par surprise (il trouvait même ça mignon…), là, il allait comprendre… Ou plutôt, il avait déjà du avoir compris. Et là, pour finaliser son inscription et pour ne pas empoisonner la vie de Léandre Raja avec une énième attestation d’assurance manquante… Il allait devoir se présenter à lui…

Est-ce que Léandre allait le rejeter ? Aouch. Son estomac se tordit encore plus. Bingo. Il avait mis la patte sur ce qui le rongeait de l’intérieur… Kazuma avait peur d’être rejeté par le secrétaire. Et c’est ce qui lui valut de sentir subitement deux petites masses pointues lui pousser sur la tête et une queue s’immiscer dans son pantalon, rallongeant sa colonne vertébrale. C’était clairement le signal de panique chez l’homme animal. Grognant et sentant ses incisives ayant poussé comme si des gênes de vampires l’habitaient, après avoir essayé de camoufler sans résultat ses attributs félin, le blondinet finit par mettre une veste par dessus son uniforme, rabattit sa capuche sur sa tête et fila dans le bureau de Léandre… Après tout, il n’avait pas passé un contrat de confidentialité sur son pouvoir avec l’institut pour vendre lui-même sa nature à chaque étudiant ici… C’est donc un garçon encapuchonné qui toqua à la fameuse porte… Qu’il passerait peut-être pour la dernière fois.

Depuis combien de temps Kazuma n’avait pas vu Léandre ? Cette question le traversa, lui faisant mal au coeur par empathie envers le secrétaire. Car bien sûr, il n’y avait que le 100 % humain qui avait souffert de cette séparation de … Quelques semaines. Le temps de mener à bien sa mission sans se déconcentrer, se vendre à Mila puis faire l’aller-retour de la Bretagne à ici pour rameuter toutes ses affaires. Bref, du coup, avec tout ça, tout ce temps disparu… Dans quel état allait-il retrouver Léandre Raja ? Déjà que son moral derrière le bureau n’était jamais au beau fixe, alors avec la disparition de son chat adoré préféré, il allait le retrouver dans un sale état… Mais ne t’en fait pas, adorable Léandre, Le Chat allait bientôt réapparaitre et faire des gros calins à son daddy, à défaut de pouvoir en faire à Emma (il était censé être un chat resté en Bretagne!) ou à Orian qui n’était pas dans ce genre d’échange là…

Une grande inspiration plus tard -et après avoir vérifié que sa capuche était bien en place une dernière fois-, Kazuma rentra dans le bureau de Léandre dès que sa chaleureuse (bon, pas à cet instant) voix le lui permit.

Accueilli par un regard peu attendri de la part de Léandre, mais au moins par Jena Lee (Kazu avait appris à kiffer, à force de l’entendre chez le Raja), le blond se sentit presque comme chez lui. La lumière de la pièce sans fenêtre, l’odeur de la pièce, le bol de lait soigneusem…

Attendez. Ou était le bol de lait ? Ah, oui, il était Kazuma Nietzsche à cet instant et non Le Chat. Bon, ça, ok, pas de problème. Mais quelle était cette ODEUR ?! Une odeur de… rivalité… Des phéromones… Des…

Y avait un putain de chat dans cette pièce. Ou du moins, y en avait eu un qui s’était laché niveau hormones ! Il pouvait presque l’entendre ronronner ! Kazuma sentit sa queue battre l’air dans son dos, caché sous son sweat. Sous le choc de cette trahison, le blond resta même plusieurs secondes sans répondre à Léandre. Ce fut au final le bruit de la feuille qu’il tenait entre ses mains, le bruit d’un papier se froissant sous sa poigne, qui le sortit de tout ceci.

« K-Kazuma Nietzsche. » bégaya le pauvre chat trahi qui laissa ses pupilles se balader dans la pièce. Cet endroit était irrespirable. Enfin, il n’y avait aucune odeur dérangeante mais… Ce parfum étrange dans les airs, rendait l’étudiant toute chose et fichtrement curieux. « Je venais vous donner mon attestation d’assurance... » poursuivit-il, toujours avec cet air de perdu, avant de s’entendre sortir presque brusquement « … Y a un chat dans la pièce ? ».

Merde. C’était pas prévu ça. Ca ne devait pas sortir de sa bouche! Ni ça, ni le fait que, bien qu’ayant tendu son attestation, la tension dans son corps ne permettrait pas à Léandre d’arracher la feuille de l’élève. Sauf si elle se déchirait, éventuellement. … Elle était où cette vermine ? Kazu en devenait fou et sentait ses pupilles ainsi que ses canines se féliniser… Et son nez frétiller... Putain de phéromones… Un chat pas stérilisé en plus ?! UNE FEMELLE ?! LES PIRES, TOUTES DES SHAGASSES ! ... Non mais sérieusement... Léandre l'aurait... Remplacé ?