Destruction et autres vilaineries | Ft Altéa

Altea commençait le troisième cours de sa journée, le cours de Destruction massive. Elle traversait la salle de cours, entourée de trois fonds de placards avec lesquels elle avait pu sympathiser. Le visage tourné vers un rayon de soleil émanant de la fenêtre, elle souriait et plaisantait avec ses camarades. Quiconque ne voyant que cette scène et ignorant tout ce qui y avait autour aurait pu penser à un plan tiré d'une série américaine dans laquelle des adolescents beaux et heureux menaient une vie incroyablement mouvementée dans un lycée de luxe à 40 000 dollars l'année. Leurs uniformes pouvaient accentuer cette impression... Enfin, si on n'y regardait pas de trop près, car ceux des fonds de placards étaient les plus usés. A cet instant, Altea aurait pu être la stéréotype d'une lycéenne populaire et heureuse, prise en plein moment de carpe diem. En réalité, tout au long de sa discussion, elle ne cessait de se répéter des injures et des commentaires négatifs dans toutes les langues qu'elle connaissait. Saleté d'Institut fucking Trueman de merde. Foutu mois d'avril.

Les dernières semaines n'avaient pas été les plus faciles pour Altea. Le début du confinement, trois semaines auparavant, avait marqué l'interruption de son enquête pour retrouver son père disparu. Pour investiguer, elle devait sortir discrètement, et si ce n'était déjà pas toujours simple en temps normal, cela confinait désormais à l'impossible. Outre les surveillances accrues dans l'Institut, les contrôles policiers étaient assez fréquents. Et surtout, quand bien même elle serait arrivée à se rendre au cœur de la capitale, elle n'aurait trouvé personne à qui parler, ou presque. Or, pour investiguer, il fallait interroger, et surveiller. Ce retournement de situation l'avait d'autant plus contrariée qu'elle commençait enfin à avancer. A cela s'ajoutait que son passage chez les FDPs lui avait valu non seulement une engueulade de sa mère, mais aussi du groupe de super-héros américains qui lui avaient demandé, puisqu'elle partait, de garder un œil sur les activités de Trueman. Or, sa disgrâce chez les FDPs rendaient tout cela plus difficile. Autant dire qu'avec tout cela, elle ne savait plus pourquoi elle était là, et pas en Floride. Heureusement, il y avait au moins un de ses objectifs de départ qui n'était pas une catastrophe. Sa relation avec Basilio s'était un petit peu améliorée depuis qu'ils étaient dans la même galère. Un petit peu seulement, il ne fallait pas exagérer.

A ces problèmes s'ajoutait le petit désagrément des brimades de ses camarades. Depuis qu'elle n'avait plus de bandes rouges sur son uniforme pour signaler sa dangerosité, quelques uns s'étaient mis en tête d'en faire leur nouvelle victime. Certes, des élèves se souvenaient toujours qu'elle avait été Oméga, mais elle n'était pas arrivé depuis très longtemps à l'Institut lorsqu'elle avait changé de groupe, alors beaucoup n'étaient pas au courant et la voyaient comme une fond de placard comme les autres. Altea subissait donc régulièrement des railleries, soit en raison de son appartenance aux FDPs qui était déjà un prétexte suffisant en soi, soit en raison de son passé de super-héroïne. Parfois, ces brimades quittaient la sphère verbale. Tout cela mis bout à bout, il y avait de quoi craquer. Et d'ailleurs, elle avait craqué quelques jours plus tôt, lorsqu'à la fin d'un cours, un Oméga et un FapFap avaient voulu utiliser leurs pouvoirs sur elle pour l'embêter. Elle avait fait exploser quelques veines de l'un et provoqué un malaise à l'autre. Ce rappel de ses capacités lui avait offert un peu de répit.

La Tsumi allait poser ses affaires quelque part lorsque d'un coup, elle se retrouva face contre terre, en ayant à peine la possibilité d'amortir sa chute. Elle finit le nez dans les chaussures d'un élève. Une chute plus humiliante aurait été difficile. Elle se retourna vivement, énervée et prête à faire de nouveau usage de son pouvoir pour faire passer à son agresseur l'envie de recommencer. Mais lorsqu'Altea vit son visage, elle se tût et elle renonça à son projet, et même à répliquer tout court. Elle renonça parce que celle qui l'avait fait tomber, c'était Tabitha Trueman, et personne ne pouvait faire exploser les veines ou faire s'évanouir la fille du directeur. Mais surtout.... Altea n'avait aucune envie de blesser son amie d'enfance! Bien que les circonstances les obligeaient à jouer les ennemies. En sachant que c'était elle la responsable de sa chute, l'énervement qu'elle avait ressenti s'évanouit et elle aurait même eu envie de lui faire un hug. Si c'était Taby qui la maltraitait, ça ne comptait pas.

-Connasse, lâcha Altea à un FDP qui l'aidait à se relever, alors que la belle Oméga s'éloignait.

La super-héroïne aurait tellement préféré pouvoir passé le cours entier à côté de son amie... Avec leur deux ans de différence, elle n'aurait jamais pensé qu'elles se seraient un jour retrouvées dans la même classe. Comme quoi, ce passage à l'Institut Trueman avait au moins ça de bon. A la place, elle s'installa à côté d'autres FDP, proche de la fenêtre. Au petit clin d'œil de Taby, elle répondit par un léger sourire, assez discret pour que les autres ne se demandent pas pourquoi elle souriait sans raison, mais assez visible pour que Taby puisse s'assurer qu'elle allait bien. Et qu'elles étaient toujours sur la même longueur d'onde. Ce simple contact visuel remonta beaucoup le moral d'Altea, qui se laissa aller plus joyeusement aux discussions avec ses voisins de table. Quant au cours, elle écouta d'abord la partie théorique d'une oreille -elle n'avait pas besoin de se concentrer d'avant pour retenir, et ensuite elle participa a minima aux exercices pratiques. Le cours de destruction massive n'était pas celui qui la dérangeait le plus, après tout, détruire des objets auxquels n'avait rien à voir avec violenter êtres humaines. Puis vint le moment de travailler par paire, et elle se retrouva... Avec Taby. Génial. A vrai dire, Altea s'y attendait, Tsumi venait juste après Trueman dans l'ordre alphabétique, mais elle avait craint que le prof ne s'arrange pour que la Trueman au si grand potentiel ne se retrouve pas avec une simple FDP. Cela n'avait pas été le cas, elle pouvait donc profiter de sa meilleure amie!

Altea était vraiment admirative du jeu d'acteur de Tabitha. Elle la trouvait parfaite dans son rôle de pimbêche gosse de riche et apprentie vilaine. Elle avait même repéré l'insulte Tsuminable. Bon, on pouvait pas dire qu'Altea ne se sentait pas blessée à chaque fois qu'elle entendait ce jeu de mot accablant, mais dans la bouche de Tabitha, elle savait bien qu'elle ne le pensait pas. Toute admirative qu'elle fût, Altea restait suffisamment concentrée pour, elle aussi, tenir son rôle, et une expression de colère et de tristesse se peignirent sur son visage, au moment même où les paroles de son amie lui faisaient le plus plaisir.

-T'inquiète pas, je suis solide tu sais, ce n'est pas avec une petite chute comme ça que tu pourras te débarrasser moi, la taquina Altea, tout aussi bas, en bougeant à peine les lèvres. Je suis très heureuse de te revoir aussi.

Elle prononça ces paroles très vite, et n'osa rien rajouter d'autre. Cela aurait été étrange que Tabitha la laisse répliquer si longtemps. Elle lit ensuite de la distance entre elles avant de reprendre, à haute voix:

-Je crains que malgré tout ton génie du mal, tu n'aies pas réussi à comprendre le but de ce cours. Pour ta gouverne, le but c'est justement de faire exploser les décors, les objets, c'est pas de faire exploser les gens. Te trompe pas de cible. Et les Super-vilains, c'est censés respecter les contrats. Alors excuse moi mais oui, la sale héroïne que je suis a tout à fait l'intention de rattraper tes bourdes et sauver les gens que tu blesserais parce que t'es infoutue de te contrôler.

Est-ce que la réflexion d'Altea était juste? Elle n'en était pas sûre, mais elle jouait son rôle de fake supervilaine, d'héroïne en reconversion mais peinant à se défaire de ses réflexes. Elle était forcément prête à justifier pourquoi elle voulait aider les autres. Donc elle voulait aider, pas parce qu'elle était une héroïne, mais parce qu'elle était une vilaine prête à respecter un contrat. Sur ce, Altea tourna le dos à son amie et se tourna vers le prof, prête à commencer l'exercice. Leur prof leur donna quelques consignes supplémentaires. Un groupe gagnait des points à chaque destruction, selon différents critères, comme l'ampleur de la destruction, l'esthétique, la stratégie. Si un membre de l'équipe se blessait en réalisant la destruction, alors le groupe perdait des points (toujours pour respecter la consigne du cours). A la fin, l'équipe ayant le moins de points était partie pour nettoyer toute la pièce et jeter tous les débris. Autant dire qu'il y en avait pour des heures. Altea se demandait ce qui se passerait si son binôme perdait. Le prof oserait-il punir la fille d'Armand Trueman?  Bon... Tabitha devait pour son rôle se montrer la plus appliquée possible dans la destruction alors elles avaient peut-être des chances de s'en sortir.

Altea n'avait pas de réel pouvoir de destruction. Elle pouvait endommager certaines choses avec le sang, comme des objets électroniques, ou simplement salir, mais elle n'avait pas envie de gâché ses réserves pour un cours. Son pouvoir était bien plus efficace pour autre chose. Elle s'adressa de nouveau à Taby, les dents serrées, comme une adolescente en colère et contrariée.

-Soyons stratégiques, j'ai aucune envie de nettoyer derrière toi à la fin de la journée. Occupe toi de la destruction, moi je m'occupe d'empêcher les autres équipes de marquer des points.

"Mais quel talent" pensa Altea en écoutant la réponse de Tabitha. Elle admirait le talent d'acteur de sa meilleure amie. Certes, en temps normal, elle ne manquait déjà pas de répartie, et elle avait montré plus d'une fois son habileté à décocher des répliques cinglantes, toujours au bon moment. Sauf que d'habitude, la jeune femme sortait ses traits d'esprits aux criminels de Miami. Altea, elle n'avait pas la même facilité à asséner par ses mots des coups assassins. La Tsumi était capable elle aussi, de sortir des punchlines, mais pour elle, ce n'était pas naturel, mais appris. C'était seulement parce qu'elle avait grandit au milieu d'un cousin, d'une mère et d'un père pour qui les sarcasmes et les piques étaient un mode normal de communication, qu'elle avait observé, et identifié des techniques pour se défendre ou combattre avec les mots. Mais lorsqu'elle était petite, cette manière de parler la laissait souvent pleine de désarroi. Elle n'arrivait pas à percevoir l'amusement, la simple taquinerie, jusqu'à l'amour, derrière la violence des paroles. Elle s'y était faite avec le temps, parfois elle pouvait même apprécier d'écouter des joutes verbales -c'était quand même assez amusant- mais elle ne s'y risquait elle-même que lorsqu'elle était réellement énervée. Cela dit, comme cela lui arrivait de plus en plus souvent désormais, à cause des agressions incessantes de Basilio, elle avait fini par faire des progrès. Elle n'y prenait néanmoins toujours aucun plaisir.

En même temps qu'elle admirait le jeu de Tabitha, Altea admirait sa force aussi, parce qu'elle savait ce qui en coûtait à l'américaine d'assumer ce rôle ingrat. Altea se sentait complètement incapable de faire ce qu'elle faisait. Déjà, se comporter toute la journée, et même la nuit puisqu'elle partageait sa chambre, comme une authentique super vilaine lui aurait été bien trop vite insupportable. Se montre assidue en classe et motivée ne lui aurait pas posé particulièrement de problème, mais elle aurait été incapable de malmener ses camarades aux pouvoirs peu utiles, ni à se réjouir des destructions et des torts causés aux autres. Et c'est parce qu'elle admirait réellement ce que faisait sa meilleure amie qu'Altea était décidée à soutenir jusqu'au bout son jeu, et à ne pas laisser le moindre indice sur la réalité de leur relation transparaître. C'était peut-être seulement grâce à ça que la brune parvenait à supporter cette distance entre elles, alors qu'elles étaient si proches.

Enfin, cette fois, si Tabitha Trueman était toujours aussi arrogante qu'à l'accoutumée, elle n'était pas si désagréable, puisqu'elle accepta le plan de la Fond de Placard. Altea lui adressa un hochement de tête à la fin de sa tirade. Elle avait très bien compris le sous-entendu de Taby, elles se connaissaient depuis suffisamment longtemps pour qu'elle puisse décoder ses intentions. "Fait attention à ne pas me gêner", cela voulait surtout dire "je reviendrai ici, comme ça si je me suis à moitié déchiré le bras avec l'une de ces stupides grenades, tu pourras refermer la plaie avec que quelqu'un ne le voie et m'éviter de détruire ma réputation", oui. Évidemment, elle serait fidèle au poste... Si jamais une telle chose devait arriver. (En plus, soigner discrètement d'éventuelles blessures leur éviterait de perdre points, il n'y avait aucune raison de s'en priver, si jamais le manège des deux filles était découvert, cela passerait simplement pour de la stratégie).

-C'est ça, joue à te téléporter partout. Comme ça t'auras peut-être la bonne idée de te téléporter au Yémen. Je suis sûre que tu trouverais un joli stock de grenades là-bas, elles pleuvront au-dessus de toi. Et t'auras de la vraie destruction sous les yeux aussi, tu me diras si tu trouves ça toujours aussi cool. Tu sais quoi, tu pourrais y rester aussi tiens, ça nous ferait des vacances, répondit sèchement Altea, se remettant dans son rôle. Plus elle avait l'air d'une héroïne, mieux ce serait pour Tabitha, alors elle n'hésitait pas à reprendre ce discours typique des héros : montrer que les super-vilains ne sont que des enfants trop gâtés jouant à faire le mal, alors que les super-héros, eux s'occupent de vrais problèmes et sont utiles dans cette société.

Bon, ça allait bien mais il fallait quand même faire attention à ne pas se faire virer en étant beaucoup trop gentille. Altea jouait le rôle d'une aspirante super-vilaine qui avait du mal à se défaire de son héritage de super-héroïne, donc elle devait quand même se montrer assidue dans les cours, comme pour donner la preuve de sa bonne volonté malgré là persistances de fâcheuses tendances. Ainsi lorsque Tabitha partit avec son stock de grenade, la brune commença à mettre en œuvre son propre plan. D'abord, elle se faufila pour récupérer le plus de grenades possibles et pour les mettre à l'abri pour sa comparse. Tous les autres élèves étaient partis bille en tête causer le plus de dégâts possibles. Elle n'avait pas l'impression que la majorité ait réfléchi de manière stratégique. Elle avait donc pour un instant le champ libre. Malheureusement, pendant ce temps là, ils gagnaient davantage de points.

Une fois la réserve constituée - et après un petit rappel à l'ordre de Tabitha pour le décorum- Altea commença donc la mise en place de la deuxième phase de sa stratégie. Celle-ci lui était beaucoup plus désagréable... Il était temps de réellement perturber les autres étudiants. Or, pour cela, quoi de plus efficace que son pouvoir? Elle repéra un garçon qui s'était fait une légère coupure en lançant un cocktail Moltov. Leur prof et arbitre ne l'avait pas encore remarqué, donc il n'avait pas perdu de points. Altea agit en élargissant cette coupure et le flot de sang, juste assez pour la bien rendre visible sans le mettre en danger. Elle ne pût s'empêcher de le plaindre, et se dégoûtait de devoir vraiment s'attaquer à des gens qui, au fond, n'avaient rien demandé. Elle poursuivit en agissant sur la tension artérielle de certains, pour brouiller leur vue et altérer leur lancé, accroissant ainsi leur chances de se blesser tout en diminuant leur chance de faire des dégâts, quand soudain... Un énorme marteau siffla à côté de son oreille, et elle eut juste le temps de se baisser pour l'éviter.

Altea était furieuse. Elle n'avait pas pu avoir qui avait fait ça, mais cet imbécile d'élève super-vilain n'était pas passé loin de la tuer! Elle reprit ses esprits, et pleine de rage et d'adrénaline, elle balaya la salle du regard pour trouver le coupable. Elle n'avait pas de preuve certaine, mais elle remarqua un garçon FapFap qui les regardait bizarrement, elle et le marteau, et d'une certaine manière, elle décida que c'était lui le responsable. Et pour une fois, elle ne se fit pas prier pour lui éclater des veines -évidemment pas de quoi mettre sa vie en danger, elle était responsable, elle. Il hurla de douleur.

- C'EST TSUMINABLE QUI A OSÉ ME FAIRE ÇA! Hurla-t-il.

Et cela lança une réaction en chaîne.

-TOUS SUR TSUMINABLE! Gueula quelqu'un quelque part.

Et là, tout un groupe se mit à la considérer comme la cible privilégié du cours de destruction massive, lui envoyant projectiles en tout genre. Apparemment, ils n'avaient pas retenu suffisamment bien qu'elle faisait équipe avec Tabitha Trueman, ou alors même la crainte de tomber dans les mauvaises grâces de l'Oméga n'égalait pas l'amusement que leur procurer ce petit lynchage. Altea ne pouvait pas tous les neutraliser avec son pouvoir, ils étaient trop nombreux... Et l'heure n'était pas à la contre-attaque, avec toutes ces projectiles qui menaçaient de s'écraser sur elle. Le prof ne faisait rien... Elle essaya de se bricoler une protection et croisa le regard de Tabitha. Lorsque leurs yeux se rencontrèrent, elle voulu afficher de l'assurance, comme pour lui dire de continuer sans se soucier d'elle...

Cela n'allait pas du tout. Il n'avait fallu que quelques secondes pour que tout dégénère. Les grenades qu'Altea envoyait aux pieds de ses assaillants, à une distance raisonnable parce qu'elle ne voulait pas les tuer, ne suffisaient pas pour les dissuader de s'en prendre à elle. Ils étaient comme pris par une folie collective, trouvant ce lynchage bien plus intéressant que l'exercice initial. En parallèle, la protection de fortune d'Altea s'affaiblissait à chaque instant, alors que s'abattaient sur elle des projectiles de toutes sortes. Après tout, il n'y avait là rien de plus normal. Une pauvre petite table en bois et des bouts de cartons n'étaient pas faits pour résister aux assauts de marteaux, de pierres, de couvercles de poubelle et de cette arme avec un boulet muni de pique raccroché à une chaîne, dont elle avait oublié le nom, qui lui faisait penser au Moyen-âge. Sous le coup d'une de cette arme, justement, sa barrière se brisa, et les pics lui aurait fracassé - et sûrement transpercé - le crâne si elle ne s'était pas écartée à temps. Elle ne pouvait plus de cette école et des fous furieux qui la peuplaient. Elle était tellement en rage qu'elle ne remarqua pas la mine choquée de l'élève fautif, qui se rendait compte que son coup mal ajusté aurait pu causer la mort d'une autre élève. Ce n'était pas ce qu'il avait voulu faire, mais c'était bien ce qui aurait pu se passer. Le regard du bourreau et de sa victime se croisèrent. Eux seuls savaient ce avait pu se passer. Les autres élèves, dans la confusion, n'avaient pas compris que l'arme était passée si près, et le champ de vision de Tabitha était encore bloqué par la masse qui la séparait d'Altea. L'ayant repéré, Altea activa son pouvoir, et fit sortir des flots de sang du nez du garçon. Les quantités qui s'écoulaient n'avaient rien à voir avec un petit saignement de nez habituel, c'était une véritable hémorragie, obligeant l'étudiant à ouvrir la bouche pour attraper un peu d'air. Il avalait ce faisant son propre sang, qui dégoulinait jusque sur ses lèvres. Le sol fut vite rouge à ses pieds. Altea cria un mot d'avertissement aux autres, d'une façon presque inconsciente.

-Foutez-moi la paix où vous vous retrouverez tous dans le même état que lui!

Mais rien n'y faisait. Peut-être que sa voix s'était perdue au milieu des bruits d'explosions. Peut-être qu'aucun n'avait remarqué la soudaine blessure de leur camarade. Peut-être qu'ils s'en fichaient, tout simplement, ou qu'ils ne la trouvaient pas crédible. Altea regarda le professeur, qui observait la scène sans se soucier de son sort. Arrêter ce "dérapage", ce harcèlement, ne lui venait même pas à l'esprit. Comme si pour lui, c'était une stratégie acceptable de s'acharner sur un concurrent pour le sortir de la course. Protéger ses élèves, ce n'était pas sa priorité. En tous cas, pas une pauvre FDP déchue pour avoir osé attaquer Mademoiselle Mila. Est-ce qu'elle allait vraiment devoir les attaquer et les blesser un par un avant pour qu'ils n'abandonnent? Ou fallait-il qu'elle aille jusqu'à en tuer un? A ce moment-là, son âme de super-héroïne ne suffisait plus à l'éloigner définitivement de cette idée. Après tout, ce n'était peut-être que comme ça qu'ils comprennent, ces imbéciles de super-vilains. Elle n'allait pas se laisser massacrer sans répliquer. Elle était prête à épouser la rage qui l'habitait, cette rage si longtemps contenue, et la laisser exploser sur tous ces cas désespérés d'étudiants. Peu importe les conséquences, elle n'en pouvait plus. Il ne s'était pas passé plus de trente secondes depuis le début de l'attaque, mais elles lui apparaissaient comme une éternité.

Heureusement, Taby fut la pour sauver la situation. Sa meilleure amie était toujours là, au bon moment, capable de trouver la solution. Ses mots tranchants coupèrent net l'accès de violence de la horde... Et en même temps, celui d'Altea. Bien sûr, elle n'était plus seule dans cet Institut, maintenant. Elle avait une alliée, une seule, mais quelle alliée. La plus précieuse de toutes. Et il fallait qu'elle se se rappelle qu'elle pouvait compter sur elle, inconditionnellement. Le soulagement remplaça la rage, qui refoula. Comme un dragon interne, qui, après avoir agité ses ailes et soufflé ses flammes, se roulait en boule et se rendormait, avec l'air d'une pure innocence. Jusqu'au jour où il se réveillerait de nouveau, et cette fois, ce ne serait pas un coup de semonce. Le dragon n'agiterait plus ses ailes que pour s'envoler jusqu'à la ville la plus proche et la réduire en cendre. C'était bien cette petite super-héroïne au comportement modèle qui abritait aussi ce potentiel de rage et de haine, cette pulsion destructrice, sans même s'en rendre compte. Ce jour-là, elle effleura sa part sombre... Pour mieux la rejeter, dégoûtée par ses propres réactions, et pour cet étrange désir qu'elle semblait avoir ressenti. Heureusement, il y avait eu la voix de Tabitha, non seulement pour la sauver physiquement, mais pour la ramener à elle même. Elle écouta distraitement le raisonnement logique de sa meilleure amie, qui sembla avoir un effet sur l'auditoire de crétin. Grâce à son nom emprunté et à son jeu d'acteur, la jeune femme bénéficiait d'une aura, d'une autorité. On l'écoutait, et on espérait en retour avoir son oreille, car la sienne et celle du grand patron n'étaient pas si éloignées, semblait-il.

-Oh, loin de mon cette pensée, Tabitha. Comment pourrais-je croire un instant que la grande super-vilaine écoutée par tous ses sbires pourrait vouloir être l'amie d'une sale héroïne? Mais... Merci, quand même, répondit-elle, alors qu’elle aurait voulu pouvoir la remercier plus chaleureusement, et plus longuement…

Elle jouait son rôle, mais elle retrouvait des mots qui étaient les siens. Un mélange de réplique sarcastique et de comportement de super-héroïne, justement, qui remercierait quelqu'un l'ayant aidée, même si ce n'était qu'en poursuivant son propre intérêt. Altea Tsumi n'aurait pas manqué de le faire, elle devait donner le change aux autres. Tabitha Trueman et Altea Tsumi, dans leurs rôles respectifs, détestaient l'idée de se trouver coincée ensemble pour faire du ménage. Mais à ce moment-là, la vraie Altea Tsumi, celle qui ne devait pas faire semblant de détester sa meilleure amie, se prenait à souhaiter que cela arrive. Après tout, si elles se retrouvaient à faire le ménage ensemble... Elles seraient tranquilles, et pourraient parler à l'abri du regard. Le geste d'affection de Taby, lorsqu'elles furent seules un instant, dissimulées par des vestiges des faux-bâtiments, ne fut qu'accentuer ce désir. Ce baiser sur sa joue pâlie par la fureur ou par l'utilisation intensive de son pouvoir, la surprit, et elle sursauta, tant elle ne s'y attendait pas, dans ces circonstances. Ce contact stoppa les tremblements de fureur qui secouaient encore les mains d'Altea, refermées en de poings serrés. Altea y répondit par un sourire, avant que l'Oméga ne s'éloigne de nouveau pour lancer des grenades. Après un instant supplémentaire pour reprendre ses esprits, la jeune Tsumi se relança à son tour dans le jeu. Elle suivit la stratégie définit comme si elle était en pilotage automatique, effectuant ses gestes par réflexe, presque sans y penser, tant elle était encore sous le choc. Altea perçut le manège de Taby, qui envoyait les grenades très près de ceux qui l'avaient attaquée, et elle n'essaye pas de l'en dissuader. Elle estimait qu'ils méritaient d'avoir peur, de recevoir une contre-attaque. Et puis elle savait que Taby était une vraie super-héroïne, qui maîtrisait ses gestes. Elle faisait ça pour la protéger, et pas pour blesser les autres.

En progressant ainsi, Taby lançant les grenades et Altea perturbant les adversaires - et ce d'autant plus facilement que plus personne n'osait s'en prendre à elle maintenant - elles gagnèrent rapidement des points. Beaucoup de points. Elles étaient en tête de la compétition, avec une large avance. L'avance était telle que cela déplut à leur connard de professeur.

-Trueman, Tsumi! C'est quoi, ce spectacle affligeant? Tsumi, t'as rien détruit, je divise votre score en deux. Et vous vous croyez où? Vous faites la même chose depuis tout à l'heure ! Et que je balance des grenades à gauche, et que je balance des grenades à droite ! Le spectacle, bordel, vous connaissez le mot? Vous regarder, c'est ennuyeux à mourir! Jamais vous n'obtiendrez le moindre contrat avec une performance aussi pitoyable. Je veux de la variété, interdiction de réutiliser la moindre grenade !

Et là, le prof passa à côté d'Altea et s'empara du stock de grenades qu'elle avait patiemment constitué, récoltant toutes celles de la zone. Non seulement il les leur enleva, mais en plus, il les distribua aux autres étudiants, qui ne se prièrent pas pour les lancer aussitôt et gagnèrent rapidement les points dans les deux filles avaient été privées. L'équilibre venait de changer. Elles dominaient la compétition, et maintenant, elles se retrouvaient en queue de peloton, à cause de ce changement de règles injuste. Altea se rapprocha de Tabitha, de nouveau sur les nerfs.

-Kuso ! Mais quel con ce prof bordel ! La stratégie c'est autorisé ou merde? s'énerva la Tsumi, à bout de patience.

Ce qui l'insupportait le plus, c'était que ce salaud se fichait bien qu'elle ait pu mourir à cause de son lynchage, mais par contre, le fait qu'elles réussissent trop bien et que la compétition était devenue déséquilibrée, c'était un problème prioritaire. Altea essaya de respirer longuement pour retrouver son calme, et en même temps, elle observa les alentours... Ce n'était pas gagné. Il ne restait plus beaucoup de décor à détruire, et le matériel disponible était réduit, d'autant plus qu'avec leur morphologie fine, elles auraient du mal à manier efficacement certains outils lourds. La grenade avait été la clé de leur stratégie, parce que c'était l'arme la plus pratique... Elle tourna son regard vers Tabitha.

-T'as une idée de quoi faire pour rattraper ça? ... J'essaie de nous faire des cocktails Molotov?

Ce retournement de situation resterait longuement gravé dans les mémoires de cette salle de classe. Cette séance en elle-même marquerait les esprits des apprentis super-vilains. Entre le moment d'hystérie collective lorsque tous s'étaient mis à attaquer Altea, le soudain changement de règle du jeu par le professeur et la défaite de la fille d'Armand Trueman, cette petite heure avait été riche en rebondissements. Mais ce qui alimenterait le plus longtemps les rumeurs, ce fut la menace que Tabitha, toujours aussi parfaite dans son rôle, brandit au nez du professeur. La fille du directeur de la Flander's Company menaçait un ex-employé de représailles... C'était quelque chose. Avant même la fin de la bataille destructrice, les élèves commençaient à murmurer entre eux, et à se demander ce qui allait arriver à leur enseignant. Allait-il disparaître dans les jours à venir, à tout jamais chassé du monde des super-vilains? Subirait-il les pires violences pour lui apprendre à manquer de respect à l'héritière de l'empire du mal? Serait-il donné en larbin à Tabitha, en guise de réparation? Un frémissement fiévreux s'était emparé de la salle de classe. Des regards mi-admiratifs, mi-craintifs se posaient sur la Trueman, et des regards plus... Disons que les élèves regardaient le professeur comme on regardait un condamné à mort. Qu'est-ce que Tabitha allait pouvoir faire cette situation pour crédibiliser son rôle? Ce serait compliqué de conserver l'aura de peur qui entourait son personnage si rien ne se passait sans raisons valables... En tous cas, elle n'était peut-être arrivée qu'il y a peu de temps, mais Tabitha Trueman n'avait pas tardé à faire trembler les amphithéâtres et à laisser des traces de son passage. Même l'élève qu'elle avait frappé n'osait pas la regarder avec colère, de peur d'être de nouveau la cible de la tyran.

Altea avait observé avec inquiétude les réactions de sa meilleure amie. Cela ne lui ressemblait tellement pas d'agir ainsi... Devoir frapper ce garçon plus ou moins innocent qui passait juste pour assumer son rôle avait dû lui briser le cœur. Elle qui ne supportait pas l'injustice. Le jeu d'acteur de Tabitha était si réussi qu'il troublait même la Tsumi, qui peinait à discerner l'artificiel de l'authentique dans ces yeux enragés. Il y avait-il dans ces prunelles l'expression de la colère de la jeune femme, face à tout ce qu'elle était obligée de faire? Comme Altea un peu plus tôt, était-t-elle débordée par une vague de sentiments violents? Il semblerait que l'Institut Trueman soit un endroit propice à leur naissance... Tabitha Truelle, qui était aussi connue pour ses qualités de bonne élève et qui aimait prouver sa valeur, était-elle vraiment énervée par la tournure des événements? Altea ne savait pas vraiment que conclure de tout cela, tant tout sentiment paraissait possible. Pour cela, elle aurait besoin de pouvoir regarder plus longuement sa meilleure amie, et pas simplement lui jeter quelques coups d'œil à la dérobée. Et surtout, elle aurait besoin de lui parler...

Altea commençait donc à s'angoisser, en se demandant si déjà, elle commençait à moins bien comprendre la personne dont elle était la plus proche au monde en dehors de sa famille, à cause de tous ces rôles qui brouillaient leur comportement... Mais cette crainte fut temporairement balayée. Parce que lorsque Tabitha se téléporta de nouveau vers elle et qu'elles discutèrent stratégie, il sut tout de suite interpréter le clin d'œil, et elle lui répondit immédiatement par un clignement de paupières. Le ton blasé de la Trueman ne fut qu'une confirmation. Au diable cet exercice et l'excellence dans la vilénie, le nouvel objectif de la team Tsuman était désormais de perdre. Mais attention, il fallait perdre bien, et s'assurer que tout le monde n'y voit que du feu. Il ne fallait pas donner l'impression d'être trop contentes de la tournure des événements. Alors que le cœur d'Altea s'allégeait, puisqu'elle pensait aux retrouvailles imminentes avec sa BFF, son visage prit une mine de plus en plus grave et renfermée. Son attitude était celle d'une adolescente profondément contrariée... Et soucieuse de se retrouver coincée avec celle qui était potentiellement la pire tyran de l'Institut et qui adorait maltraiter des FDP. Autant dire que le partage des tâches entre Altea Tsumi et Tabitha Trueman n'était pas parti pour être au rendez-vous, tout le monde pouvait le comprendre. La grise devrait s'occuper de tout le boulot, tandis que la rouge serait assise quelque part et se ferait une manucure. Après tout, l'honorable fille Trueman ne pouvait pas se retrouver à manier le balai avec une pleutre... Chacun à sa place, l'ordre social devait être maintenu en toutes circonstances. Après tout, elle était obligée d'être en "retenue", mais personne ne viendrait vérifier si en pratique ou non, elle nettoyait ou pas, tant que le résultat était là. Voilà ce que tout le monde pourrait penser en apprenant ça, et c'était bien pour cette raison qu'Altea récupéra des regards de pitié de ses quelques amis FDP lorsque les résultats furent annoncés. Elles étaient bonnes dernières, mais cela ne surprenait plus personne.

"Courage, Altea... "avait glissé l'une de ses amies. "Te laisse pas faire par cette conne" avait rajouté son petit ami, qui l'accompagnait. À tout cela, Altea répondait par un sourire et un merci, et elle les regardait s'éloigner, comme si, en faisant cela, elle pouvait fuir un peu avec eux. En réalité, elle surveillait leur départ, elle vérifiait qu'ils disparaissaient dans les couloirs sans se retourner. Et enfin, lorsqu'il n'y eut plus personne autour d'elles et que les portes furent soigneusement refermées... Altea se précipita vers sa meilleure amie pour lui offrir un gros hug.

-I think we're alone now. Enfin seules et tranquille... J'espérais un tel moment depuis longtemps, c'est insupportable d'être à côté et de ne pas pouvoir être réellement ensemble... soupira la Tsumi, profitant de chaque instant dans les bras de son acolyte. Elle reprit naturellement leur langue maternelle commune, l'anglais, pour retrouver leur atmosphère plus intime. Ta Tabitha Trueman est parfaite, je ne te reconnais presque plus tellement tu la joues bien. Je suis sûre que personne n'arrivera à te percer à jour, tu es géniale, ajouta Altea avec un petit sourire.

Eh oui, c'était bien le moment de lui énoncer tous les compliments qui lui étaient venus pendant ce cours commun. Ou plutôt une infime partie de tous les compliments qu'elle avait envie de lui adresser.

- Je suis désolée que tu sois obligée de faire tout ça, de te faire passer pour une vilaine... Mais je suis si contente de te voir. Tu m'as manquée.

Altea recula ensuite, posant ses deux mains sur les épaules de sa meilleure amie pour la regarder bien dans les yeux. Elle la mettait un peu à distance pour mieux pouvoir observer ses réactions... Et revoir ce visage et ces expressions qu'elle adorait.

-Comment tu vas? Tu arrives à supporter tout cela?

Those dickheads… Oh, Altea ne pouvait qu’approuver toutes ces paroles, lorsqu’elle voyait une larme rouler sur la joue de sa meilleure amie. Elle ne supportait pas de la voir souffrir. La Tsumi serra un peu plus fort la main de sa camarade. Leurs brèves retrouvailles volées ne faisaient qu’accentuer ce déchirement, de devoir faire semblant de détester l’autre. La brune suivit Tabitha jusqu’au mur et alla s’asseoir à côté d’elle. C’était assez ironique que leur moment de tranquillité se déroule dans un décor aussi apocalyptique. Il y avait des éléments de décors brisés de partout, des tessons de bouteille, des feux encore allumés… Peut-être qu’il fallait bien ça pour exprimer le désarroi des deux jeunes femmes, qui finalement dans le chaos de leur vie n’avait que l’autre qui était un véritable havre de paix. Altea ne croyait pas que les héros n’avaient tout simplement « pas pensé » à la douleur des deux infiltrées. Elle pensait plutôt que tout cela leur était bien égal, tant que leurs objectifs étaient atteints. L’amitié d’adolescentes n’avait jamais été particulièrement valorisé dans la société, et toujours vu comme quelque chose de futile et d’excessif, surtout par des hommes « aux responsabilités ». Alors qu’elle laissait glisser sa tête doucement contre l’épaule de Tabitha, Altea reprit la parole en murmurant, d’une voix un peu cassée.

-Moi aussi, je les déteste nos boss, quand je vois qu’ils font pleurer ma meilleure amie. Parfois, Altea doutait de ce qu’elles faisaient, toutes les deux, et elle aurait aimé dire à Tabitha de tout laisser tomber sans hésiter, si cette mission avait un coût personnel trop important. Mais si ce n’était encore que des héros inconnus qui étaient impliqués dans tout cela… Altea savait aussi que sa meilleure amie faisait cela pour rendre fière sa mère, en plus de suivre ses convictions d’héroïne. Au moins, on est toutes les deux ici. T’imagines si tu avais été à Miami, et moi à Paris, pendant des mois ? Avec ta téléportation les distances ne sont rien mais… ç’aurait été difficile quand même de se voir souvent. Tu sais quoi, on va se faire un code, pour communiquer discrètement ensemble quand on se croise dans les couloirs ou quand on est dans le même cours et qu’on ne peut pas se parler, un petit langage des signes anodin, que les autres ne pourront pas capter. On pourrait converser un peu comme ça, et surtout se fixer des rendez-vous. Dès que l’on pourra, on se retrouvera toutes les deux, d’accord ? Cette infiltration, on la fait ensemble, en duo, alors on va s’organiser comme on le souhaite, et tant pis si ça déplait à tes boss. De toute façon, ils n’auront pas à être au courant.

Altea se redressa ensuite pour regarder sa meilleure amie dans les yeux.
-Et Tabitha… Si tu n’en peux plus, si tu en as marre de faire ça… Fuck all this, on laisse tout tomber, d’accord ? Ni ces héros, ni les vilains, ne méritent que tu souffres à cause d’eux. Et personne n’aura intérêt à te blâmer une seule seconde pour ça. Sinon je les vide de leur sang, ils vont connaître leur souffrance dit la jeune avec un ton qui exprimait une légère plaisanterie… mais l’idée au fond était sérieuse.

Et sinon… pour ne pas déprimer, quoi de mieux qu’un peu d’activité ? Les deux filles n’en manquaient pas avec ce foutu ménage, et elles avaient de quoi s’amuser à essayer de remettre de l’ordre dans tout ça… Franchement, Tabitha Trueman avait de quoi faire un scandale dans le bureau de la directrice après ça, pour que plus personne n’ose lui demander une corvée. Altea se leva, attrapa un morceau de décor et le jeta dans une benne à proximité. Pfff…

-On fait un jeu ? A chaque fois qu’on a nettoyé deux mètres carrés, on se dit un truc qu’on avait pas pu se dire ET une blague. Elles ont intérêt à être bonnes…

Et c’est ainsi que se déroula la plus sympathique des séances de ménage de la vie d’Altea, qui n’était pas la plus immonde des corvées seulement parce qu’elle ne pouvait pas oser imaginer une meilleure compagnie.