Soit tu nais roi, soit tu n'es rien ♛ Orian & Barbie

SOIT TU NAIS ROI, SOIT TU N'ES RIEN

Je veux la gloire à mes genoux, je veux le monde ou rien du tout.

Barbara se souvenait de l’époque où elle appréciait sincèrement ce genre de réception. Elle était jeune, encore relativement impressionnable et persuadée de trouver des gens dignes de son rang au sein des rallyes réservées aux familles les plus nobles et fortunées du pays. Il lui paraissait évident, à l’époque, que l’endroit se prêtait parfaitement à trouver un fiancé de haute naissance, cultivé, et, de préférence, voué à une carrière brillante dans le droit ou les affaires. Elle avait toujours eu une idée assez précise de ce qu’elle voulait, et surtout, de ce qu’elle ne voulait pas. En ce temps-là, le faste lui faisait encore de l’effet, mais elle avait rapidement réalisé que le luxe le plus opulent finissait par devenir d’une affligeante banalité, lorsqu’on le côtoyait autant qu’elle. Par la suite, elle avait fait la rencontre d’un garçon, qui n’appartenait absolument pas à ce cercle. Basilio Tsumi, son accent et ses fossettes n’avaient pas manqué de décupler son désintérêt grandissant pour la jeunesse de la haute société francophone.
Barbara n’avait pourtant pas cessé d’assister à ce genre d’évènement mondain, et cela n’arriverait probablement pas de sitôt. Son père se sentait investi du devoir de l’introduire dans ce monde, peut-être même de lui trouver un partenaire qui en ferait partie, pour ce qu’elle en savait. Après tout, c’était là tout le but des rallyes, favoriser l’entre-soi et les mariages au sein de la communauté. Barbara se pliait simplement aux exigences paternelles, sans jamais mentionner le garçon qui hantait déjà son esprit. C’était mieux ainsi, elle en était convaincue.
D’ailleurs, ce n’était pas la pire soirée de son existence – le séjour en Lettonie avait placé la barre excessivement haut. Le Bal du Printemps, organisé chaque année au sein de la capitale, faisait toujours étalage du plus grand raffinement. La salle de balle donnait dans la démesure, tout de marbre blanc et de sculptures antiques, couronnée d’une coupole en verre, ouvrant sur un ciel noir, sans étoiles. Pas moins de deux lustres en cristal Baccarat étincelaient au plafond composé de moulures finement ciselées, et des guirlandes de fleurs fraîches, délicatement parées de rubans de satin blanc, envahissaient l’espace. Le buffet, suffisamment fourni pour nourrir une petite ville d’Afrique rongée par la famine, proposait de tremper des fraises bien rouges dans une immense fontaine de chocolat. Le code couleurs mettait à l’honneur les tons pastel, des roses les plus délicats aux verts les plus onctueux. L’orchestre jouait sa partition de Vivaldi.
En somme, rien de bien excitant, à l’image de son cavalier. Ambrose Piazza, un fils de baron de l’immobilier, le minois très blond et les yeux verts, majeur depuis peu, sa place réservée sur les bancs de HEC. Propre sur lui dans son costume bleu persan, imbus de lui-même sans pour autant parvenir à se rendre intéressant. Barbara n’avait pas hésité plus de vingt minutes avant de se décider à le semer. Il avait suffi de le prier d’aller leur chercher deux coupes avant de s’éclipser à l’autre bout de la salle. Son regard clair se balada sur les invités, glissant comme de l’eau sur l’opulence de leurs tenues. De la fraîcheur du printemps, ils n’avaient guère que l’apparence. Des jet-setteurs les plus dépravés aux héritiers les plus pompeux, il n’y avait jamais de juste milieu. Trop ou trop peu, c’était toujours la même chose. Laissant traîner une oreille indiscrète, l’adolescente écouta, non sans une grande délectation, deux jeunes débutantes qui commentaient l’absence de Tulipe Dujardin. Pauuuuvre Tulipe qui n’osait plus se montrer en société depuis le saccage sauvage de sa soirée du nouvel an. Les responsables, paraissait-il, s’étaient montrés hébétés, incapables d’expliquer leurs gestes. Comme si quelqu’un leur avait forcé la main, sans qu’il puisse se rappeler qui, ou comment. Tragique affaire qui avait fait trembler l’élite parisienne dans ses petits souliers.
Barbara continua sa route, le visage scindé en un grand sourire emprunt de satisfaction. Elle fendait aisément la foule dans sa robe bustier blanc, signée Dior. Une fine chaîne dorée brillait à son cou gracile, en partie dissimulé derrière les boucles rousses qui flottaient librement autour de ses épaules. Un trait d’eye-liner bleu électrique soulignait la courbure de ses grand yeux, encadrés de longs cils blonds. La jeune fille aurait souhaité la présence de ses sœurs à ses côtés, plutôt que celle d’Ambrose… malheureusement, Emma et Shana avaient toutes les deux décrété avoir mieux à faire, l’abandonnant cruellement à son sort. Il fallait encore qu’elle trouve quelque-chose de divertissant à faire, qui n’impliquait pas de brûler, détruire ou torturer… plus facile à dire qu’à faire. Soupirant d’anticipation à l’idée de devoir se contenter de la conversation pour le moins limitée d’Ambrose, Barbara laissa tomber son regard sur une poignée de boucles brunes et une silhouette élancée très reconnaissable. Oh… se pouvait-il… vraiment ?
Elle s’avança prudemment dans la direction de l’invité mystère, un sourire ravi ne tardant pas à étirer ses lèvres roses.

- Orian Harker, fit-elle d’une voix forte.

Il lui tournait de dos, mais ne tarda pas à faire un tour sur lui-même, pour mieux faire face à la jeune Barbara Gward, qui dardait sur lui deux pupilles inquisitrices.

- Que fais-tu ici ? Partirais-tu en quête d’une génitrice pour ta progéniture maléfique ?

Son ton était décontracté, presque joueur.
Tout compte fait, la soirée promettait d’être plus amusante que prévu…

FICHE ET CODES PAR YAVANNA