[Terminé] [Mini Event annexe] Everything's gonna be fine... Without them. And with a Jet. [Bazbie]

Elle n’avait consenti à s’éloigner du corps inconscient de Basilio que pour quelques courts instants, le temps de se changer dans la tente remise sur pieds dans laquelle le garçon avait été confortablement installé. Elle n’aurait que très modérément apprécié de se balader encore davantage dans le camp en culotte et t-shirt déchiré maculé de sang, à faire l’aumône pour un endroit où se changer en toute tranquillité. Elle avait exposé suffisamment de peau à la vue de tous pour le reste des « vacances »… C’était d’ailleurs un coup à tomber encore plus malade qu’elle ne l’était déjà, et elle ne tenait pas à faire un concours du plus à plaindre à la fin de ce maudit séjour.
Elle avait rapidement enfilé un bas ample et un t-shirt propre, sans se soucier des marques, pour changer, l’esprit occupé par d’autres pensées plus pragmatiques. Se dénuder ainsi, à quelques mètres à peine de Basilio, était une expérience troublante, et par un semblant de pudeur, elle lui tournait le dos, au cas où il aurait choisi ce moment précis pour se réveiller. Au stade actuel de leur relation, elle tenait à garder sa peau diaphane et ses tâches de rousseur pour son appréciation personnelle, sans parler de sa nouvelle cicatrice… Et surtout, elle voulait se vêtir au plus vite pour retourner auprès de Basilio.
Sans surprise, l’adolescent n’avait pas bougé d’un pouce quand ses yeux se posèrent de nouveau sur lui. Aussi discrètement que possible, elle reprit sa place à ses côtés. Elle ne cilla pas lorsque sa tête roula progressivement sur sa cuisse, et se contenta de passer une main apaisante dans les cheveux du garçon. Il s’écoula encore une bonne demi-heure avant qu’il ne reprenne connaissance.
Son regard confus accrocha le sien, et un sourire fleurit sur sa bouche, qui se changea bien vite en grimace de douleur. Un juron au bord des lèvres, il passa une main sur son front fiévreux, mais ce simple geste sembla lui causer une douleur encore plus vive. Barbara aurait préféré qu’il reste tranquille, pour son propre bien… ce qu’il fit, pour quelques instants, avant de demander ce qui s’était passé, dans un croassement douloureux.

- En version courte… tu t’es fait griffer par un ours, puis tu as eu d’horribles douleurs à la tête à cause d’une mauvaise réaction à un pouvoir. Tu t’es évanoui peu après que Altea ait utilisé une de tes fioles pour te soulager…

Sa voix était bien plus douce que d’habitude, et son sourire, plus bienveillant que jamais. Sa main continuait de balayer ses mèches noires dans un mouvement régulier.

- Je vais finir par croire que tu cherches à faire ton intéressant, ironisa-t-elle avec un sursaut de malice dans le regard.

La réponse de Basilio arracha un sourire mutin à Barbara. Elle voulait bien croire qu'il avait toujours rêvé d'imploser pour attirer son attention. Cela n'aurait pas vraiment été pour attirer son attention, à vrai dire. Le Tsumi avait simplement la fâcheuse habitude de marcher sur toutes les bombes, à croire qu'un mauvais génie le suivait partout.

- Quel garçon digne de ce nom n'imploserait pas pour mes beaux yeux ? ironisa t-elle.

Un peu de baume pour son ego égratigné, ce n'était pas du luxe. Après tout, elle s'était fait piétiner par une carpette ambulante...
Machinalement, ses doigts blancs passèrent de ses cheveux à sa joue. Dire que Basilio n'était pas au meilleur de sa forme tenait de l'euphémisme. Désorienté, affaibli, il semblait lutter pour rester attentif. C'est au prix d'un certain effort qu'il lui demanda comment elle se sentait, et si Altea s'était occupée de sa blessure à l'épaule. Barbara secoua la tête. Oh, elle aurait préféré qu'Altea s'en charge, évidemment. Son "infirmière", Khalee, était une sauvage notable, pas du genre à verser dans la délicatesse et encore moins dans la douceur, mais pour être honnête, l'adolescente n'avait même pas sérieusement étudié l'état de sa plaie. La douleur était un peu plus tolérable que précédemment mais elle avait toujours la sensation constante d'un feu-follet pulsant sous sa peau, vivace et brûlant. La griffure était longue et profonde, et Barbie n'aimait pas l'idée que cette... souillure puisse laisser des marques - mais cela n'arriverait pas, et elle trouverait bien un chirurgien esthétique pour lui rendre sa chair blanche et lisse, le cas échéant.
Elle s'inquiétait d'avantage du sort de Basilio. Son beau visage... tout abîmé par cette horrible cicatrice. Il le découvrirait bien assez tôt.

- Non, finit-elle par répondre. Khalee m'a soignée, mais il faut admettre que "soigner" est un bien grand mot pour une barbare de son calibre. Je me sens bien, cependant.


Pas si bien que cela, à dire vrai, mais la dernière chose qu'elle voulait faire était inquiéter Baz. Il devait rester tranquille, se reposer, et elle n'était jamais à un mensonge près. Sa main chaude n'avait pas quitté sa joue cireuse.

- C'est plutôt de ton état qu'il faudrait s'enquérir. Ta tête va mieux ?

Pourquoi souriait-il ainsi ? Altea lui avait-elle fait avaler des calmants quand elle ne regardait pas ? Il riait et... ce n'était pas précisément nouveau, mais sa gaieté n'en demeurait pas moins inattendue. Il soutenait qu'il était dans un sale état mais son humeur joviale était un signe qu'il allait mieux, n'est-ce pas ? Il avait l'air d'aller mieux. Barbara ne semblait tout simplement pas réussir à comprendre...
Il lui fallût quelques instants pour réaliser que la main de Basilio avait rejoint la sienne, sur sa joue. Prise de stupéfaction, elle ne pût rien faire d'autre que sentir son cœur partir au quart de tour. Elle aurait dû être satisfaite, son plan marchait et l'adolescent devenait de plus en plus réceptif à ses approches. Tout ceci était prévu. Alors pourquoi diable ce simple contact la mettait-elle en émoi ?
Barbara fût sortie de sa transe par un Basilio brutalement redressé. Indigné, il s’énervait qu'Altea n'ait pas soigné son épaule. Elle fronça les sourcils. Bien sûr, Khalee n'était pas un choix idéal, mais de là à traiter sa cousine de conne... Altea ne méritait pas ça. Elle avait pris soin de lui et...

- Pardon ?

Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Qu'elle lui... montre ?
Il se mît à bredouiller. Le rouge lui était monté aux joues, et Barbie... Barbie ne devait pas être mieux. De fait, son visage s'était teinté d'une saine couleur rose.
Elle fût cependant la première à reprendre contenance. Sa main poussa doucement sur le torse de Basilio pour le forcer à se rallonger.

- Premièrement, Altea n'a pas pu me soigner parce qu'elle s'occupait de toi. Deuxièmement, si tu restes tranquille, peut-être que je...

Qu'elle quoi ? Songerait à se dénuder devant lui ? Elle n'était même pas particulièrement pudique mais ses joues n'en continuaient pas moins de chauffer. Pour l'amour du ciel... Ce n'était qu'un peu de chair. Rien que le reste du camp n'ait déjà vu lorsqu'elle avait été blessée.

- Reste allongé, d'accord ?

C'était presque un murmure. Chastement, elle laissa son haut glisser de son épaule gauche, révélant une bretelle de soutien-gorge rose en dentelle. Sa peau blanche était constellée de tâches de rousseur.
Ses doigts soulevèrent les bandages, exposant en partie les griffures rouges et profondes.

Une fois assurée que Basilio ait pu observer l’état de la blessure, Barbara remonta prestement son haut sur son épaule, avec une forme de candeur qui ne lui était pas coutumière. Elle ne se l’expliquait pas. Ce n’était qu’une épaule. C’était peut-être l’intimité de la tente à cet instant, ou la gêne de Basilio qui lui faisait cet effet. Urgh… elle se sentait comme une petite prude.
Pour son grand plaisir, le Tsumi la tira vite de ce constat déplaisant. Il se souciait de sa condition physique, ce qui était objectivement attendrissant. Il avait de quoi s’en faire, après tout, elle non plus ne faisait pas confiance à une brute telle que Khalee pour soigner… quoi que ce soit. Mais réclamer une autre personne pour s’occuper d’elle l’aurait séparée plus longtemps encore de Baz, ce qui n’était nullement envisageable. Elle s’en soucierait plus tard, et puisque Basilio la pressait avec tant de sollicitude de se faire examiner par sa cousine – il avait même dit « s’il te plait » –, elle promit par automatisme :

- J’irai voir Altea plus tard, ne t’en fais pas.

De fait, il s’en faisait beaucoup, et posait un tas de questions, auxquelles elle ne donnerait pas forcément les réponses les plus honnêtes. Non, on ne lui avait rien donné contre la douleur. Oui, elle avait mal, mais elle le supportait bien. En outre, son souci principal était de rassurer Basilio, et maquiller la vérité pour arriver à ses fins ne lui avait jamais causé le moindre problème moral, qu’importe ses interlocuteurs. C’était parfois pour leur bien… parfois pour son intérêt personnel. Souvent, même. Mais Baz faisait définitivement partie de la première catégorie.
Les yeux du garçon s’étaient fixés sur sa main, avec un petit air de chien battu qui prit Barbara au dépourvu. Pourquoi est-ce qu’il… oh. Un frisson électrique parcourut son échine à l’idée que Basilio puisse se languir de son contact. C’était… elle… enfin… elle ne s’y attendait pas.
Balayant son trouble d’un mouvement de tête, elle se pencha un peu plus sur le Tsumi. Ses longs cheveux roux chatouillaient son torse alors que ses deux mains entouraient avec précaution son beau visage meurtri, posées sur ses joues.

- Basilio. Je vais bien. Tout ce qui m’intéresse, c’est d’être sûre que tu ailles bien aussi. Je peux faire quelque-chose ?

Sa voix était douce, mais ferme. Si Barbie était troublée, elle le cachait bien.

Il fût précédemment établi que Barbara cachait bien son trouble, ce qui ne signifiait aucunement qu'elle n'en éprouvait aucun, bien au contraire. Présumer qu'elle était à l'abri des états amoureux des autres adolescentes à cause, ou peut-être grâce à son caractère foncièrement antipathique était une grossière erreur.
Penchée au dessus de Basilio Tsumi, le visage renversé en avant et le sang battant à ses tempes, la jeune fille sentit son cœur frémir imperceptiblement quand le regard du garçon accrocha le sien. Ses yeux étaient d'un beau gris anthracite et il ne disait rien. Ses propres lèvres s'entrouvrirent pour laisser échapper un souffle court. Des myriades de frissons affleuraient à la surface de sa peau. L'air était chargé d'une tension si palpable qu'elle la sentait presque battre sous ses paumes, imaginait s'en saisir. Indépendants de sa volonté, ses yeux bleus glissèrent jusqu'à la bouche de Basilio. Il ne disait toujours rien. Pensait-il à la même chose qu'elle ? Était-ce un moment partagé ? Ou était-elle désespérément seule dans cet instant et dans ses sentiments ? Aussi impassible que paralysée, elle n'osait plus bouger. Quelques centimètres, c'était toute la distance qu'elle avait à franchir pour rejoindre ses lèvres. Si proche, et si ridiculement loin à la fois. Mais elle ne bougeait pas. Elle ne bougeait pas et...

- Tu me chatouilles.

... aussi vite qu'il s'était installé, le moment s'évapora, comme un songe fugace et trop vite échappé. Retour à la réalité. Barbara ne pût contenir le voile de déception qui traversa ses traits pour quelques-secondes seulement, avant de disparaître derrière son habituelle façade, à la fois plus souriante, et plus distante. Le rire sincère de Basilio ne parvint pas tout à fait à chasser sa soudaine mélancolie, que le garçon pouvait peut-être percevoir. Peut-être pas.
Elle se redressa et profita de ce geste pour détourner le visage, ne sachant pas si la bonne humeur qu'elle tentait de répliquer sur celle de Baz était suffisamment crédible. Ses mains quittèrent le visage de l'adolescent et, élastique en main récupéré sur son poignet, s'afférèrent à nouer ses cheveux en queue de cheval haute.

- Voilà, mes cheveux ne te gêneront plus, plaisanta t-elle avec un amusement feint.

Maintenant qu'elle avait retrouvé une certaine contenance, Barbara pouvait peut-être se concentrer sur ce que disait Basilio. Il voulait qu'elle leur trouve un moyen de locomotion pour partir d'ici ? Intéressant. C'était dans ses cordes. La Lettonie ne lui manquerait pas. Ce pays était haïssable. S'il brûlait et qu'elle avait des milliers de citernes d'eau à disposition, elle préfèrerait en faire un parc aquatique. Et le reste ? Le reste, l'adolescent gérait.

- Oh oui, tu gères, c'est évident, souffla t-elle sans malice mais avec une intention claire de le taquiner.

La jeune fille retrouvait déjà un peu de légèreté. C'était idiot de s'attarder sur ce dérapage, et puis, c'était sans doute mieux comme ça. Elle voulait un premier baiser parfait, sous contrôle et prévu, même. Elle ne faisait pas confiance à l'impromptu ; elle avait un plan et entendait s'y tenir.

- Dès que je retrouve du réseau, je peux nous appeler un hélicoptère... Non, mieux, un jet. Mon père en a plusieurs partout dans le monde, il ne lui manquera pas.

Encore fallait-il avoir du réseau, justement, qui semblait la fuir depuis un ou deux jours. En outre, si son téléphone ne captait pas, personne ne captait dans de maudit camp, de cela elle était certaine. Le jet, en revanche, n'était effectivement pas un problème. Demeurait une question, essentielle, probablement la plus importante...

- Mais pour aller où ?

Barbie était curieuse et se demandait, non sans raison, ce que Basilio pouvait avoir en tête. Si il avait quelque-chose en tête...

Sourire, tout simplement. Elle souriait réellement, sans retenue, sans calcul. Elle aimait ce petit jeu de plaisanteries avec Basilio, dans lequel ils savaient pertinemment à quoi s'en tenir. Bien entendu, quitter ce trou puant n'était pas une privation, ils en étaient aussi bien conscients l'un que l'autre. Ce que le garçon ignorait sans doute était le niveau de dévotion de Barbara, qui l'aurait suivi au bout du monde sans y songer à deux fois. Sa simple présence en Lettonie était un gage de son affection qu'elle se gardait bien de divulguer. Si on lui avait donné le pouvoir de réécrire le passé, d'avoir le choix de retourner une seconde fois dans cet enfer, elle l'aurait fait. Malgré les mauvais moments, malgré les montées d'angoisse à répétition, malgré la maladie et sa blessure, elle l'aurait fait pour Basilio.
Folle, elle était folle de se laisser dominer de la sorte par ses sentiments, contre toute forme de bon sens, mais elle ne voulait pas y songer pour l'instant. Elle ne voulait songer à rien d'autre qu'à la main du garçon qui se tournait dans sa paume, et à ses doigts qui enlaçaient les siens. La douce sensation de chaleur qui grandissait dans son ventre ne mentait pas. Son trouble était réel, malgré des efforts concluants pour ne rien en laisser paraître. Sans hésitation aucune, elle resserra son étreinte sur la main de Basilio. Il n'avait pas idée, non, il n'avait pas idée des rouages fumants qu'il actionnait dans le cerveau de Barbara, de l'état dans lequel il la mettait.

- Je ne sais pas si moi-même, je me serais autant sacrifié pour un de tes plans douteux, ajouta t-il d'une petite voix railleuse.

Elle secoua la tête. Même dans son état, il continuait de plaisanter, jusqu'à ne plus avoir l'énergie de parler, ou même de rester éveillé. L'adolescente ne pouvait pas s'en plaindre, bien au contraire, mais il allait rapidement falloir écourter cette conversation et le laisser se reposer. Son sourire faiblissait, la douleur le rattrapait et il paraissait lutter de plus en plus, les yeux clos pour quelques instants. Barbara laissait son pouce parcourir le dos de sa main, comme pour tenter de l'apaiser, timidement, maladroitement. Elle espérait l'aider un tout petit peu, lui faire penser à autre chose.

- Qui te dit que je t'aurais laissé le choix ? répondit-elle à voix basse, sur le même ton taquin.

La malice qui brillait dans ses yeux bleus soulignait que cela n'était qu'une vaste plaisanterie. Elle n'avait jamais utilisé son pouvoir sur l'adolescent que deux fois, pour une démonstration inoffensive qu'il lui avait réclamée, et pour le forcer à se séparer d'Orian, quelques jours plus tôt, alors qu'ils se battaient dans la boue comme deux chiens enragés. Les circonstances avaient exigé une action de sa part, mais elle ne comptait pas en faire une habitude, et elle partait du principe que Basilio le savait pertinemment.
En fin de compte, il s'entêtait à résister, malgré la douleur, malgré la fatigue, il la relançait encore sur le jet. Garder les yeux ouverts ressemblait fort à un combat de tous les instants. Barbara savait qu'il était temps de couper court.

- Fais moi confiance, le rassura t-il avec une douceur redoublée, je m'en occupe. N'en parlons plus, il faut vraiment que tu te reposes, maintenant.

Hésitant l'espace d'un moment, pesant le pour et le contre, elle finit par se laisser gagner par son impulsion et pencha son visage au dessus du garçon, déposant un pieu baiser sur sa tempe fiévreuse. Son souffle tiède lui effleurait la peau, et sa voix habituellement si forte, si venimeuse, se faisait murmure caressant à son oreille :

- Je reste avec toi.

Quelques mots qui sonnaient étrangement comme une promesse. Elle n'avait pas l'intention de le laisser, elle voulait seulement rester auprès de lui, ce jour-là et tous ceux à venir.
Juste lui. Et elle. Ils n'avaient besoin de personne d'autre.