Intrigue II : Partie 1 - Réveil Nocturne

Je dois bien l’avouer : j’aime l’action, j’aime quand ça bouge, quand il se passe des trucs nouveaux, quand c’est excitant, quand tout est à découvrir. Quand la sirène d’alarme retentit dans mon dortoir de l’Institut, je ne perds pas de temps. Je suis le premier à me jeter hors de mon lit, et à peine quelques secondes plus tard, je suis habillé. Enfin… J’ai enfilé un gros sweat à capuche par-dessus mon pyjama et j’ai glissé mes pieds dans des tongs (je suis super doué pour courir avec des tongs ! est-ce que ça compte comme un superpouvoir ça aussi ?). Je devance les sous-fifres qui viennent nous chercher, et je suis l’un des premiers arrivés dans le journal. Je vois que tout est installé pour que quelqu’un vienne parler, je m’installe dans les premières rangées d’élèves. J’ai froid au pied et je me demande si je n’aurais pas mieux fait d’attendre deux minutes de plus pour mettre des vêtements plus chaud, mais à défaut, je sautille sur place pour réchauffer. Et aussi parce que je suis impatient de savoir ce qu’on va nous dire. Mon intuition divine m’indique que quelque chose d’exceptionnel est en train de se passer, quelque chose de très important. Un événement historique incroyable ? Je suis sûr que cet fois, Mila ne nous réunit pas pour faire un autre tic tac boom (cela dit j’avais bien aimé moi, j’étais épuisé comme ce n’était pas possible à la fin de mon duel avec Emma et j’avais quand même été envoyé à la décharge comme les autres même si j’étais le dernier debout, mais j’avais gagné une super amie grâce à tout ça !). Je me retourne en sautant de plus en plus haut dans l’espoir de repérer mes proches. « AREEES ! ARTEMIIIIS ! JAYYYDEN ! LOOOTRE ! HEHOOOO ! MARRAINE ! PARRAIN ! » je gueule au cas où l’un d’entre eux m’entendrait.

Grmbl… Il n’était pas possible de dormir, dans ce satané pays ? Apparemment non… Alors que Cillian était parfaitement installé dans son lit, seul, il fut tiré de son sommeil par une sirène d’alarme résonnant à son volume maximum… Qu’est-ce qu’il se passait encore ? Pourquoi tout les élèves étaient-ils conviés dans le gymnase ? A vrai dire, le South s’en fichait comme de sa première chemise. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était dormir. Et ne croiser personne, aussi, ce qui n’était pas compatible avec une réunion de tout les élèves de l’Institut… C’est donc sans surprise qu’il décida de ne pas bouger d’un pouce, essayant d’oublier cette satané alarme qui commençait petit à petit à lui taper sur le système. Qui remarquerait son absence, de toute façon ?

Mais voilà… Encore une fois, le destin en décida autrement… En effet, Cillian n’eut même pas le temps de se rendormir qu’une flopée de coups de poings furent frappés contre sa porte, le poussant à se lever et à suivre le mouvement. Soupirant pour la énième fois, le jeune homme se leva finalement et attrapa un t-shirt moulant et un pantalon noir, avant d’attraper ses chaussures et de se diriger vers le lieu de rendez-vous. Lieu qu’il atteignit quelques minutes plus tard, ayant pris son temps pour y arriver… Et ce n’est pas en voyant la foule qui y était déjà rassemblée que son enthousiasme arriva, bien au contraire… Grommelant une dernière fois, Cillian alla se poser contre un mur et observa silencieusement ce qu’il se passait, espérant que ça ne durerait pas trop longtemps…

C'était avec l'impression de n'avoir jamais aussi bien dormi de toute ma vie que, six soirs sur sept, je m'endormais dans une chambre qui n'était pas la mienne. Dans un lit qui l'était encore moins. Et avec un sommeil qui mettait du temps à m'emporter. Mais, aussi étrange que cela pouvait être, plus tard je me couchais et mieux je me sentais. Car à la place d'accueillir Morphée le plus rapidement possible, c'était mes nombreuses discussions avec Barbara Gward qui m'entrainaient à veiller tard. C'était elle, sa voix, ses yeux et ses commissures qui se relevaient qui m'accueillaient, comme l'habitué que j'étais, qui me tenaient conscient. Tout comme c'était mes bras qui n'attendaient qu'elle. Une certaine routine s'était installée, mais je ne m'y habituais pas pourtant. J'avais l'impression d'être toujours si hébété quand elle acceptait silencieusement de venir contre moi. D'avoir toujours cette fièvre, qui chauffait mes joues à ce moment précis ou lorsque c'était moi qui me glissait contre elle et qui me faisait étreindre. Et ce sourire stupide qui martyrisait un peu plus les muscles de mes pommettes... Ca faisait depuis quelques temps déjà, que ma vie, c'était ça. Être (à nouveau) un Oméga, changer de chambre avec Tabitha Truelle la quasi totalité de la semaine pour continuer ma journée avec Barbie, puis m'endormir à ses côtés... Au final, je crois qu'il n'y a pas que mon sommeil qui avait gagné en qualité. Ma vie se trouvait plus touchée que jamais par tout ceci. Et mon état mental et émotionnel aussi.

Bon. Etonnamment, ça pouvait vite basculer. La qualité de tout ça. De mon sommeil, plus précisément. Surtout quand une alarme assourdissante se mettait à résonner de partout, me tirant à la fois des bras de la Gward et du personnage de la mythologie dans un sursaut, me rendant en alerte. Rapidement, je reconnaissais m... la chambre de mon amie et me réimprégnait de la réalité avant de maudire dans un grognement ce qui ruinait mes oreilles. Des pas dans le couloir, on frappait aux portes des chambres pour presser chaque étudiant... Les mains sur mes oreilles, et le visage crispé, je finis par tourner mon regard interloqué vers la masse rousse. J'aurai pu lui demander si elle savait ce que signifiait cette alarme (loin de celle destinée aux incendies) mais j'étais là depuis plus longtemps qu'elle et se serait illogique. Finalement, ce fut la voix d'Armand Trueman qui répondit à ma question silencieuse... Me rendant encore plus nerveux. C'était compliqué de contrôler ça dès le réveil, surtout après ce genre là, de réveil...

"C'quoi ce bordel encore..."

Les toilettes des FDP, franchement, croyez-moi, y avait plus classe. Aussi bien dans l'institut que... Dans n'importe quel guetto ou squat. Bordel, c'était trop demander de nettoyer le batiment des gris ? Oui, bon, ça n'était pas mon côté bienveillant et humaniste qui parlaient... Plus mon côté... Bestial. Surtout quand il y rencontrait Khalee Desmarais en pleine nuit héhé, entre deux cabines a chiottes. Vas-y qu'on devait faire ça en cachette pour pas se faire voir par sa meuf Trueman (ça me dérangerait pas, mais dommage, Khalee restait claire sur ça : pas de plan à 3. Elle ne devait être au courant de rien... Tss.) et en dehors de sa chambre pour pas emmerder ses colocs. Mouais, bon. J'acceptais, car j'aimais pas mal Khalee et l'alchimie de cul qu'il y avait entre elle et moi. Je crois même que je pouvais la considérer comme une très bonne pote. Dans tous les sens du terme, le mot "bonne", héhé. Bref, du coup, j'me sacrifiais et lui évitais un kakarma sur sa gueule en venant moi, dans son batiment. Et dans leurs chiottes. Yerk.

Ce qu'il y avait de réconfortant avec ça (ou après, ça), c'était le fait de dormir avec elle. Sous ma forme féline, sur sa poitrine, je m'endormais comme un chat random ayant trouvé le pur bonheur. La routine était cool. Comme Khalee. Et comme le fait d'avoir l'honneur d'avoir un chat sur soi. Franchement, on s'apportait une dose de coolitude non négligeable, c'était bien kiffant.

Contrairement. A. Cette. Putain. D'alarme.

Je venais de faire un bond et de me cogner contre le plafond. Ou le sommier du lit en hauteur au dessus de nous. Ou contre le mur. Je sais pas. j'avais juste bondi avec ce putain d'instinct félin sous un bruit assourdissant et maintenant, je me remettais doucement sur mes pattes avant de sauter agilement sur ma pote et de grogner... puis d'aller sous la couette, bloquant ma tete entre son aisselle et son torse. C'était mort. Je ne bougerai pas. Sans déconner, ça faisait à peine quelques minutes qu'on venait de revenir ici! DODO! Qu'ils aillent se faire voir, l'institut et ses boulets, j'avais TOUS LES DROITS, j'étais VERT! Et mon droit, là, c'était de faire une patte d'honneur à je sais pas qui qui parlait pour rien dans le haut parleur là. Il pouvait parler à mon trou du cul que ça me ferait autant d'effet.

Si avant, rester éveillée la nuit m'agaçait un peu (surveillante nocturne, c'était un peu le seul poste a pourvoir quand je suis arrivée...), aujourd'hui, ça m'apportait une possibilité : celle de téléphoner à Orion qui voyageait. Oui, d'accord, vous allez dire, hey, tu es encore avec lui ?! Et je vous dirais que non, au grand bonheur de mon grand frère Léandre. Mais... Le fait de ne pas vouloir partager le même présent ne signifiait pas que nos sentiments avaient disparus. Notre rupture avait été très rapide et je crois que chacun avait du mal avec ça, mais on restait fidèle à nous-même, avec nos convictions et à nos envies distinctes et égoïstes. Après tout, c'était ça, être adulte non ?

Pourtant, au téléphone avec lui, alors qu'il me narrait avec son plus beau sourire (je l'entendais, et je voyais très distinctement ses joues frétiller de joie dans ma tête) son aventure de la journée dans son pays ou il faisait encore jour, contrairement au mien... Je n'arrivais pas à retenir mes larmes. Heureusement, Orion restait Orion et donc, très bavard. Ce qui l'empêchait sûrement de...

"... Tu ne pleures pas ma chère Henriette, hein ?"

... Zut. Démasquée. Je faisais la surprise, niant tout de suite tout en m'essuyant les paupières et le nez, avant de renifler bruyamment. Zut. Echec. Mais sauvée par le gong, l'alarme incendie venait de se lancer!

"J'dois te laisser Orion, y a un souci!" Et je raccrochais aussitôt, me pinçant les lèvres pour avorter le "Je t'aime" qui avait failli sortir. ... Hey, mais attendez, ça n'était pas l'alarme incendie ?! Je rentrais en vitesse dans le dortoir des FAPFAP et observais des têtes dépassant de leurs portes, attendant sûrement mes instructions. Ils étaient drôles eux, je n'savais pas c'était quoi ce bordel! Mais pile à temps, une voix masculine que j'eus du mal à identifier offrit la marche à suivre. Woah, le bordel dans le couloir. Je m'aplatissais contre le mur pour laisser passer le moulon grognon (je pouvais les comprendre...) avant de croiser mes bouclettes préférées de l'univers : Neville.

A cet instant comme à chaque instant de ma vie depuis que je le connaissais, et plus particulièrement en ce moment depuis le départ d'Orion, il m'aida. Cette fois, à inspecter les chambres et vérifier si tout le monde était bien sorti. Avant quoi nous nous dépêchions de poursuivre le mouvement en direction du gymnase... Et de chercher notre 3ème mousquetaire tacitement. Ce fut Neville qui repéra Léandre et qui me tira avec lui vers mon grand frère.

"Vous savez ce qu'il se passe ?" demandais-je un peu inquiète aux garçons, observant tout autour de nous, pendant que je voyais Neville faire un signe de négation de la tête... Et avoir ce petit regard à la fois suspect et succinct vers mon ainé. Mais je ne disais rien. Maintenant qu'il semblait enfin être en osmose dans son amitié avec Léandre... Et puis, surtout, je devais jouer mon boulot de surveillante et observer autre chose que mon duo préféré. Parce qu'avec une foule mélangée comme celle-ci, mal réveillée et avec ce brin de panique se faisant ressentir, les actes débiles pouvaient vite naître. On était chez les vilains après tout.

Ok d'accord, mais où était l'incendie au juste ?

C'est une alarme qui réveilla Leandre au milieu de la nuit. Il poussa un grognement et se redressa en prenant le chaton qui dormait à côté de lui dans ses bras. Il fila vers l'entrée et posa la petite Jena le temps de mettre sa doudoune et ses chaussures d'hiver (il faisait froid pour un mois de mai et il faisait surtout nuit) avant de sortir de chez lui avec son animal de compagnie.
Le secrétaire marcha tranquillement vers le point de ralliement en cherchant du regard la couleur rougeâtre et lumineuse d'un incendie... Mais il ne vit rien, absolument rien. C'était presque décevant, pourquoi réveiller tout le monde s'il n'y avait même pas un petit bâtiment en train de cramer ?! Et qu'on ne parle pas d'exercice incendie, Léandre travaillait là depuis au moins deux ans et personne dans cette école ne se souciait assez de la sécurité des étudiants pour faire un excercice...

C'était quoi alors tout ça ?

C'était la voix de Trueman dans le haut paleur, c'était clairement quelque chose qui avait été prévu... Pourquoi Mila ne lui avait-elle rien dit ? Il était pourtant son secrétaire !
Agacé il fila dans le gymnase en poussant les étudiants pieds nus ou en pyjama qui se plaignaient du froid et chercha les seuls dont il se souciait : Sa soeur, Orian, le Chat Kazuma et surtout Neville.

Il finit par les repérer, du moins deux d'entre eux, et il leur fit signe en prenant garde à ne pas relâcher Jena Leandra Aya Raja qui de toute façon ne bougeait pas et regardait le brouhaha ambiant avec calme.
Henriette et Neville s'approchèrent de lui avec des airs préoccupés et la soeur de Léandre demanda immédiatement s'il savait ce qui était en train de se passer :
"Aucune idée, mais il n'y a aucun incendie et c'est pas le genre de l'institut de faire des exercices"
Il se passait donc forcément quelque chose mais impossible de savoir quoi... Enfin, pour eux :
"Il faut qu'on arrive à repérer Orian. Il sait forcément ce qui se trame, et on sera plus en sécurité dans la zone où il se trouve qu'au milieu de la foule..."
Est-ce que Léandre se sentait en danger ? Étant donné qu'il n'avait le contrôle sur rien, il devait reconnaître qu'il avait peur de savoir à quoi ils seraient cuisinés... Il valait mieux trouver la zone qui risquait le moins de danger et c'était forcément celle du neveu chéri de Mila.
Discrètement il laissa son regard s'attarder sur Neville et attendit sa réponse.. Il avait toujours eu l'impression que le fils à papa ne portait pas le seul ami de Léandre dans son cœur, mais l'instint du pyromane lui disait que c'était clairement ce qu'il fallait faire.. aussi, même s'il était contre, Léandre trouverait un moyen d'emmener Neville en sécurité avec lui.

Altea dormait paisiblement dans le dortoir des Omégas – plus paisiblement que jamais depuis qu’elle était arrivée à l’Institut. Depuis peu, son cousin était de retour chez les rouges, et elle partageait de nouveau sa chambre avec lui, comme avant le malheureux incident de la Saint Valentin. Ou presque. A vrai dire, elle ne la partageait avec lui qu’une seule fois par semaine. Elle laissait parfois échapper un sourire légèrement moqueur et entendu lorsque chaque dimanche, Basilio quittait religieusement sa cohabitation avec sa « meilleure amie », Barbara Gward. Et pendant que monsieur contait fleurette, Altea se coltinait la princesse héritière de l’école, Tabitha Trueman. Quoique depuis quelque temps, la couverture de la jeune femme s’étiolait insidieusement – ou plutôt la personnalité publique qu’elle avait endossé pendant ses premières semaines. Le passage d’Altea chez les rouges avait été l’occasion d’adoucir un tant soit peu leur relation publique – la Trueman avait moins de raison de la mépriser publiquement, elles pouvaient prétendre avoir trouver des points communs. Après tout, Altea s’entendait bien avec Barbara, la terreur locale, pourquoi pas avec une autre supervilaine en herbe ? Mais ce n’était qu’une goutte d’eau parmi d’autres. Disons que ce n’était pas pire que la romance entre une Trueman et une FDP. Peu importait tout cela : Altea partageait enfin sa chambre avec sa meilleure amie, et elle en était ravie. Elles pouvaient passer des soirées à discuter de tout, exactement comme avant leur départ en France quand la Tsumi était invitée à Miami. Entre dormir avec Taby et son chat qui se prélassait à ses pieds en ronronnant, elle n’avait à se plaindre de rien. Malheureusement, la jeune femme semblait avoir usé son quota de chance pour le moment. Elle fût réveillée par une sonnerie stridente, à s’en arracher les oreilles. Paniqué, son chat enfonça ses griffes sur le dos de son pied. Puis la porte s’ouvrit à la volée, avec un surveillant qui leur hurla de sortir de leur chambre et d’aller au gymnase. Le ton était étonnamment sérieux, mais Altea était atteinte d’un certain scepticisme. De là à ce que ce soit une nouvelle idée typique des Harker… Elle garda son calme dans toute cette affaire, échangea quelque mots avec Taby et s’habilla avec des vêtements pratiques. Si jamais c’était un incendie… sa priorité était de mettre son chat à l’abri. Elle saisit son sac de transport et glissa contre son gré Gal dedans, et elle attrapa son téléphone avec son chargeur de l’autre. Quelques semaines plus tôt, elle s’était retrouvée sans rien à Le Juch, sans batterie, à l’autre bout de la France, obligée de se démerder pour rentrer, alors maintenant, elle préférait prendre des précautions à chaque fois qu’elle quittait sa chambre. Les deux Omégas se dépêchèrent ensuite de rejoindre le gymnase, sous le regard agacé d’un surveillant qui trouvait qu’elles avaient trop traîné. En sortant, elle vit la porte ouverte de la chambre de Baz et de Barbie, qui devaient déjà être partis. Elles arrivèrent devant le gymnase bondé, et Altea resserra son manteau contre elle et tint fort son sac de transport avec son chat. Elle profita un dernier instant du chaos pour discuter avec Taby.
« Je n’aurais jamais cru dire ça dans ma vie mais je n’attends qu’une chose, c’est de tomber sur un Harker. Le premier que je chope, j’utilise ma télépathie sur lui jusqu’à ce qu’il me crache tous ses plans de merde… à espérer que ce soit encore juste un plan de merde habituel… ou alors tu fais parler ton cher papa, ce n’est pas lui que j’entends depuis tout à l’heure?» dit-elle à Tabitha. Enfin, son souhait agacé fonctionnait peut-être avec Orian, avec Mila ou Lila c’était autre chose… « Je vais essayer de chercher Basilio. On se tient au courant à l’intérieur, t’as ton téléphone ? »

Et après encore quelques mots, elle entra dans ce chaos nocturne.

"ON SE BOUGE LE CUL, TOUT LE MONDE DEHORS!"

Dire que j'étais de mauvais poil, à cet instant-là, était très loin de la réalité. Le sommeil était sacré pour moi (et pour d'autres, sûrement, je suppose, mais je m'en fiche des autres), d'autant plus lorsqu'il se faisait rare. Alors, Ok, je m'étais habituée depuis des décennies à ces quelques heures de repos, mais bordel, ces quelques heures-là, ces miettes, cette poussière du marchand de sable, ces larmes de répit, que ce putain d'institut me les laisse et arrête de chier allègrement dessus! Surtout que... Je n'étais pas censée me retrouver sur le terrain de l'Institut! Je devais être chez moi, loin de tout ce merdier et comme par hasard, la seule fois ou j'acceptais de dormir che... Non, ça ne vous regarde pas ça. Bon, je disais, pour une fois que je décidais à dormir à l'Institut, pour dormir un peu plus longtemps et pouvoir me réveiller à la dernière minute, il fallait qu'une putain d'alarme ne vienne me tirer de tout le confort qui m'enlaçait chaudement... Je détestais VRAIMENT cette école.

Pourtant, ces mots-là, que j'avais gueulé comme une gorille, toujours dans la langue anglophone, je ne les gueulais pas de manière dégoutée ou agacée. Je faisais mon métier et surtout, ce qui se rapprochait le plus de mon instinct maternel me poussait à forcer un peu plus sur ma voix et presser un peu plus les héros de l'institut. Quelques instants, j'arrêtais d'essayer de gueuler plus fort que la sirène et me permettais d'envoyer des sms. Un à ma fille, un à quelqu'un d'autre, et pour finir, un à ma directrice, en quête d'une réponse à tout ce tapage. Puis je reprenais mon rôle... qui n'était pourtant pas le mien. Mais un peu d'aide pour protéger les étudiants bleus et les guider au mieux possible n'était certainement pas de refus. Pas question de courir au gymnase alors que les futures recrues du bien pouvaient avoir besoin de soutien ou d'aide. Être un futur héros ne signifiait pas qu'ils ne pouvaient pas avoir besoin d'ainés. ... Ouais, je m'adoucissais beaucoup trop ici...

"Miss Pierce!" Ce nom continuait de me poursuivre malgré la rupture de mes fiançailles avec Théophile. Mais je me reconnaissais encore ainsi et continuais de me faire connaitre sous ce nom, étant donné les nombreux Tsumi qui étaient ici. "On aura besoin de surveillance au gymnase également. On ne sait pas ce que valent les étudiants vilains dans pareille pagaille." J'observais l'étudiant Milo durant quelques secondes. Ce petit avait dépassé mon propre niveau de méfiance envers les vilains et c'était plus ceci qui m'étonnait que son niveau d'anglais qui s'améliorait au fil de mes cours. "Ok, viens avec moi." Comme ça, s'il y avait du débile à frapper, j'étais sûre de trouver un partenaire plutôt bon avec lui à mes côtés. Et puis, il y avait le surveillant pour gérer le reste des bleus ici.

D'un pas rapide (sans pour autant courir comme des cons, comme ces crétins, là..) et accompagnée de la perche Danlené et de sa tête de plus que moi, on rejoignait le gymnase, observant tout autour de nous. Peut-être que Milo surveillait (je n'en doutais pas), moi, je préférais retrouver mon rôle de mère quelques secondes pour chercher Altéa... Qui passa devant moi. Aussitôt, je lui attrapais le bras et la tirai vers moi, comme pour nous tenir hors du moulons.

"Reste avec moi toi." J'étais en général plus discrète que ça concernant mon lien avec mon enfant, mais dans ce tumulte, je me fichais bien de notre anonymat. "Tu vas bien?" Elle était entière, ok, elle ne pleurait pas (ça, c'était ma fille!), mais quand même, j'étais sa mère, merde, je m'inquiétais. Et bien que j'avais presque murmuré ses mots à son oreille, je croisais au final un regard suspicieux de la part de Danlené. M'avait-il entendu ? Ah. Non. C'est peut-être parce qu'il était étrange qu'une professeure du bien tienne le poignet d'une étudiante vilaine aussi longtemps, et surtout, sans le casser. Le contact visuel ne dura que quelques secondes seulement.

"Je vais faire une ronde." annonça Milo, avant que je n'ai le temps d'intercepter la réponse d"Altéa. D'un geste vif, je retins à son tour son poignet, celui de ma fille dans mon autre main.

"Tu ne casse la gueule de personne, compris ?"

Parce que, c'était assez la merde comme ça, on n'avait pas besoin qu'il en rajoute. D'un coup de tête, il répondit à mon ordre et se détacha de moi après un regard étrange vers Altéa. Fallait vraiment qu'il se calme avec les étudiants vilains! Oui, bon, c'était moi qui disait ça... Mais qu'il se calme direct s'il avait Altéa dans son colimateur de vengeur masqué de mes couilles-là !

Dormir dans la même chambre que sa meilleure amie… Voilà bien longtemps que Tabitha n’avait pas fait une chose pareille. Surtout depuis que les deux jeunes femmes étaient infiltrées à l’Institut. Après tout, une Oméga ne devait pas entretenir trop de liens avec une grise, ou du moins pas des liens trop amicaux… L’image publique de leur relation en avait de ce fait été impactée. Mais voilà… à présent, Altéa était devenue une Oméga à son tour, et cela leur permettait de jouer sur la découverte de nouveaux points communs entre anciennes ennemies. D’autant plus que leurs colocataires respectifs préféraient passer du temps ensemble que dans leur chambre à eux. Alors, à présent, la Tsumi et la Truelle pouvaient vivre leur amitié une bonne partie de la semaine, tandis que Barbara et Basilio passaient du temps entre "meilleurs amis".

Et cette nuit-là n’y fit pas exception… Une bonne partie de la soirée, les deux étudiantes avaient discuté de tout et de rien, et principalement du bon vieux temps à Miami, avant de s’endormir le sourire aux lèvres. Un sommeil – et un sourire, par la même occasion – qui ne durèrent pas aussi longtemps que prévu puisque, au beau milieu de la nuit, une alarme stridulante se mit à retentir dans les couloirs, tirant la pauvre Tabitha du monde des rêves. Grommelant, l’Oméga mit quelques secondes à réaliser ce qu’il se passait, avant d’entendre une voix qui ne lui disait rien de bon… Ce réveil impromptu de toute l’école semblait être organisée par son "père". Et ses idées étaient pires que celles de Mila. Il fallait faire quelque chose… A commencer par s’habiller et suivre le mouvement en embarquant son téléphone, ce que ne manqua pas de faire la fille Truelle. Vêtue d’un simple jean et d’un T-shirt attrapé à la volée, elle ne lâcha pas Altéa d’une semelle jusqu’à arriver au gymnase, où un genre de plan commença à se mettre en place.

« Pour faire parler mon cher père, il faudrait déjà que je sache où il est ! Mais les Harker sont forcément au courant de quelque chose, tu as raison, je crois qu’il faudrait commencer par là ! Si j’en voie un je t’envoie un SMS. Sois prudente ! »

Et sur ces mots, elle pénétra à son tour dans le gymnase, se demandant bien ce qu’Armand Trueman pouvait bien vouloir aux élèves. Et se mettant également à chercher Khalee du regard, voulant être certaine que rien ne lui soit arrivé dans ce chaos…

Une bonne nuit de sommeil est toujours de mise pour avoir un teint frais au petit matin. Je dormais paisiblement, loin des tracas des dernières semaines. J'en avais marre des coups de cet Institut. Le dernier en date était de nous avoir envoyé à l'autre bout de la Terre... Il fallait vivement que j'aille une discussion avec Papa pour que je sorte de cet Institut de l'enfer. C'était hors de question que je termine ne serait-ce que l'année !

En attendant, un sommeil profond pesait sur la pièce. Un de mes chats dormait à mes pieds - l'autre devait toujours être à l'extérieur - et mes deux chiens dans leur joli niche douillette. Le silence régnait en maitre, interrompu seulement de temps à autres par le ronflement d'un de mes bébés.

BIP BIP

Emma et tous les êtres vivants de cette chambrée firent un saut à l'écoute de l'alarme. Son chat feula et alla se réfugier en-dessous de la couette, grafignant la pommette d'Emma au passage. Les deux chiens se levèrent et aboyèrent de surprise. Emma, quant à elle, grogna tout en se plaignant de l'égratignure sur sa joue et se cacha sous les draps, essayant d'étouffer le son strident. Elle resta prostrée ainsi un long moment - elle ne remarqua d'ailleurs pas la porte qui s'ouvra et se referma.

Le son lui tapant sur les nerfs, Emma finit par se lever et fit des caresses à ses bébés pour les rassurer. Puis, elle ouvrit sa penderie pour choisir des vêtements simples et chauds - elle avait froid maintenant qu'elle n'était plus sous la couette... Elle empoigna ensuite sa brosse à cheveux et s'attarda à se peigner et se coiffer simplement. Elle était encore trop fatiguée pour faire quoi que ce soit de compliqué : sa nuit de sommeil était gâchée... et son teint avec. L'horreur en se voyant dans son miroir. Elle avait des cernes, le teint livide... Bref, un air cadavérique. Il fallait donc remédier à tout ça...

Emma s'affairait donc à cacher cet air hideux lorsque sa porte s'ouvrit de nouveau, mais sans ménagement cette fois. Son chat courba du dos, se sauvant par la porte entre les jambes des deux intrus, alors que ses chiens aboyèrent et se cachèrent dans leur niche, comme les peureux qu'ils étaient... Laissant Emma pantoise devant les deux surveillants qui entrèrent dans sa chambre, la pressant de sortir.

- Laissez-moi juste finir cette touche d'eyeliner et mettre du mascara et c'est bon... Y'a pas le feu...

Elle se revira vers son miroir, appliquant le dernier trait noir fin au-dessus de ses cils... lorsqu'on l'empoigna et la tira hors de sa chambre.

- HEY !

Elle l'avait senti, le trait coulant sur sa tempe... Elle l'avait senti cette bourde...

- Lâchez-moi, sales rustres!

Ces bougres osaient l'interrompre alors qu'il ne lui restait que deux minutes pour les suivre?! Sérieusement?! ENCORE?!... Vraiment, il était temps qu'elle ait cette discussion avec son père ! C'était plus possible ! Elle arriva donc dans le gymnase, se débattant pour qu'ils la lâchent, l'eyeliner encore en main.

- MAIS À LA FIN, LÂCHEZ-MOI, SALES CONS. JE SAIS MARCHER SEULE QUAND MÊME !  

Plus discret comme entrée, tu meurs... Bien sûr qu'Emma avait tous les regards sur elle à présent. Et sur sa crasse sur sa tempe ! Qu'elle honte...

Dormir dans le bâtiment des FDP n’avait jamais été simple… Entre certains bruits, certes assourdis, mais très caractéristiques semblant provenir des toilettes et les ronflements de certains de ses camarades, il n’était pas facile pour un gris de tomber dans les bras de Morphée. Mais, à vrai dire, c’était la première fois qu’une alarme était ce qui réveillait les pauvres âmes du dortoir. Ou, tout du moins, c’était la première fois qu’Adèle expérimentait cela… Et elle n’appréciait pas du tout la chose. Les ronflements ou les bruits suspects, la Laressingloise arrivait à les occulter, mais ça… c’était totalement autre chose. Elle tenta pourtant bien de l’ignorer, enfonçant sa tête sous son oreiller, mais le résultat ne fut pas celui escompté. Et puis… des surveillants venant frapper à la porte comme des brutes n’étaient pas ce qui aidait le plus à s’endormir…

Poussant donc un énooorme soupir, Adèle s’assit lentement sur son lit, attrapa une paire de chaussures au hasard, puis se leva et suivit la masse d’élève en traînant des pieds. Qu’elle soit vêtue uniquement du long T-shirt et de la culotte qu’elle portait la nuit ? La Magret ne s’en était même pas rendu compte ! Elle était trop fatiguée pour s’attarder à ce genre de détails. Tellement fatiguée, d’ailleurs, qu’elle faillit rentrer une ou deux fois dans un mur… A moins que ce ne soit un élève, elle n’en était pas certaine… Toujours est-il que ce fut presque un exploit qu’elle arrive à destination intacte. Intacte physiquement en tout cas… Parce que, pour le reste… A peine arrivée, Adèle alla s’asseoir contre un mur dans le but évident de terminer sa nuit. Si l’équipe de direction lui en laissait l’occasion, bien évidemment…

Harry n’avait jamais aussi bien dormi que depuis qu’il était chez les héros. Au départ, il avait eu quelques difficultés, faisant face aux soupçons de certains de ses camarades et ayant peur de perdre certains de ses amis, mais il s’était vite fait à cette nouvelle vie. Non seulement être un héros était ce qu’il avait toujours voulu faire, mais il avait en plus gagné un mentor en la personne de Milo. Même si ses entraînements lui paraissaient parfois difficile, il savait que ce n’était que pour son bien. Et c’est grâce à cela, entre autre, que notre cher petit Rouantelezh avait finalement trouvé sa place au sein des SDF. Il se sentait bien ici… Et donc, comme il se sentait bien, il dormait bien ! CQFD.

Mais on pouvait dormir comme un bébé, une sirène retentissant dans un bâtiment tel que l’Institut Trueman en plein milieu de la nuit ne pouvait que vous réveiller en sursaut. Ce qui fut exactement le cas d’Harry, qui commença immédiatement à paniquer. Mais, fort des conseils qu’on lui avait prodigué chez les bleus, il prit une grande inspiration et tenter de se calmer du mieux qu’il put. Une manœuvre qui n’était pas simplifiée par les surveillants hurlants dans les couloirs et les élèves paniquants non loin, mais le jeune homme parvint pourtant à arrêter de trembler. Il déposa donc Mr Nounours sur son lit, se dirigea vers son armoire et se vêtit d’une manière plus propice à se déplacer dans les couloirs qu’un simple pyjama. Puis il sortit de sa chambre, partant à la recherche de Milo pour essayer de comprendre ce qu’il se passait…

Et ce fut seulement lorsqu’il arriva au gymnase de l’école que le Rouantelezh parvint à poser les yeux sur son mentor. Mentor qui, comme à son habitude, semblait surveiller les étudiants vilains pour qu’ils ne fassent pas trop de dégâts. Même si, vu que la moitié avait l’air parfaitement endormie et que l’autre voulait juste comprendre ce qu’il se passait, il n’y avait probablement rien à craindre. Sauf si Barbara était dans les parages, bien entendu, mais Harry ne la voyait nulle part…

« Milo ! Qu’est ce qu’il se passe ? Tu sais quelque chose ? »

Comme le fidèle ami que j'étais, et aussi comme l'ancien possible futur beau frère (je m'étais fait une raison et... mon coeur également), j'avais suivi ma petite Henriette quand il sembla que le dortoir des FAPFAP était désormais vide. Mon gros anorak jaunes sur mes épaules, je restais silencieux, nerveux face à tout ça. Qu'est-ce qu'ils avaient encore inventé la Mila et le Trueman...? J'essayais de ne pas laisser mon cerveau divaguer et essayais de me concentrer sur la recherche des personnes chères à mon coeur. Et comme un aimant, Henriette me fit rejoindre son frère, qui était désormais mon simple ami, Léandre. Bon, il était aussi mon amant mais... Je n'avais plus aucun sentiment pour lui! Sex friend, c'était tout. Du coup, sans dire un seul mot et laissant les deux Raja échanger, je les observais de nombreuses secondes. Attardant mon regard sur leurs traits familiers, leurs peaux parfaites, leurs chevelures soyeuses et longues et leurs pilosités faciales... C'est fou, ces deux-là étaient vraiment splendides, surtout les cheveux longs. Ils les avaient laissé pousser tous les deux, non ? (Non, Henriette se les était même coupé) Ca leur allait magnifiquement bien en tout cas.

Finissant par me détacher du portrait de famille adorable, je me laissais m'imprégner des paroles rassurantes de Léandre : pas d'incendie. Par contre, une grimace traversa mon visage et l'inquiétude qui s'y était installé depuis mon réveil en sursaut. Orian ? Retrouver le cousin de ma petite soeur ? Pas que je le détestais mais... Je ne le portais pas dans mon coeur, avec notre historique... Et puis, j'avais mes petits FDP à retrou... Mince, pourquoi Léandre me regardait comme ça ? Ah, il voulait mon avis ?

"Je... veux d'abord retrouver mes amis de la chambre 1." Alias Jayden, Khalee, Adèle... Tiens, je trouvais finalement cette dernière du regard et... a moitié à poil contre un mur? Qu'est-ce qu'elle avait fichu à venir comme ça ? "Venez par là." que je demandais à Léandre avant de prendre le poignet de l'ainé du duo pour le tirer avec moi sans attendre son avis. Henriette nous suivit non sans observer une seconde nos mains si proches, qui se séparèrent cependant quelques pas plus tard afin que je puisse enlever ma veste et l'offrir à Adèle, m'agenouillant. Au moins, on était sortis de la foule et on était près des murs.

"Tiens poulette, mets ça, tu vas attraper la mort... T'es pas avec les autres ?" J'étais un véritable papa poule, ou grand frère poule, je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter pour mon entourage de l'école. Entourage tout court en fait, je n'avais qu'eux en fait.