• feat. Antonella du futur

"Est-ce qu'il va un jour décoller ce fichu avion?" pensa Alden en recevant par sms une énième notification de retard de son vol. Il n'en pouvait plus de la fréquentation de cet aéroport et de sa flopée de voyageurs aux pensées assommantes. ("Il est où le Terminal B?", "OU EST MA PUTAIN DE VALISE?!", "j'ai manqué mon vol...", "On m'a chouré mon tel", "Ils font chier à la douane", le tout dans toutes les langues, tout le temps). Alden était coincé depuis 18 heures dans cet aéroport.

Remontons en arrière. A moins d’une semaine de la fin de la colonie de vacances, Alden avait été mandaté pour ramener à Paris un mineur FapFap de seize ans qui s’était cassé la jambe en marchant dans un trou et avait fait des pieds et des mains pour retourner immédiatement à Paris. Prendre l’avion n’était déjà pas un plaisir pour le blond, entre sa claustrophobie et sa télépathie, mais avec un adolescent insupportable à côté, c’était encore une autre affaire. C’est pas grave, il l’avait littéralement ignoré pendant le vol.

Les parents étaient du même acabit. La discussion fut houleuse, mais courte. Alden était prêt à repartir immédiatement. Dommage que son premier vol soit annulé. Et que le deuxième aussi. Et qu’il n’y en ait plus après. Passer la nuit à déambuler dans l’aéroport et à s’occuper en jouant à Snake, ça usait les nefs.

Voir les vols du matin tous annulés puis retardés et être encore coincé à 14h, ça usait aussi. La nouvelle notification le fit simplement soupirer. Il était blasé maintenant. Et assez épuisé pour imaginer entendre les pensées… d’Anto. Non, il devait justement mélanger les pensées de voyageurs espagnols et japonais, son cerveau déraillait… Il devait bouger un peu. Alors il prit la direction du tableau d’affichage…

• feat. Antonella du futur

Une fois arrivé au panneau d’affichage, évidemment, rien sur la Lettonie et son vol. Aucune information précise. Même pas un petit « retard d’une heure » ou quelque chose dans le genre. A croire que l’aéroport de Riga échappait constamment aux aiguilleurs du ciel. Alden était trop las et trop peu surpris pour s’énerver. Totalement désœuvré et trop épuisé pour offrir une occupation intellectuelle à son cerveau, il se contenta de promener son regard sur le panneau, ligne après ligne, juste pour passer le temps. (Ou pour être sûr que l’information concernant la Lettonie n’avait pas été glissée au mauvais endroit). C’est là qu’il lut « Jakcsonville, FL ». Petit élétrochoc. Et vu l’heure d’arrivée de l’avion… le débarquement avait eu lieu peu de temps avant.

Et si la femme dont il avait lu brièvement les pensées était réellement Anto et pas une simple hallucination mentale née de la fusion entre les pensées de voyageuses espagnoles et japonaises ?

Merde. Où est-ce qu’il l’avait croisée? Alden ne savait pas vraiment quoi faire… et ses pieds rebroussèrent chemin tout seul, pour retourner là où il avait capté ces pensées familières. Il se concentrait pour les repérer. Et finalement… ce ne fut pas si compliquée, comme si son pouvoir l’entraînait naturellement vers des pensées connues et des pensées qu’il aimait… Le blond se retrouva donc au poste de récupération du bagage, et il repéra tout de suite la Tsumi. Son allure, le tatouage qui apparaissait à son poignet, cette attitude énervée prête à tout défoncer… Ses pensées surtout. Aucun doute possible, c’était bien elle… Ok, maintenant il le savait mais… il faisait quoi ?

• feat. Antonella du futur

« Il faisait quoi ? ». S’il y réfléchissait un peu, il comprendrait qu’il aurait dû dégager. Ou juste ne pas s’approcher après son premier doute. Après tout, il était d'accord avec Altea pour ne pas contacter sa mère. Mais ne pas essayer de joindre à distance une personne et la fuir en la croisant de façon inattendue, c’était deux affaires assez différentes. Surtout quand une sorte de saut temporel de 18 ans s’ajoutait à tout cela. Sa réaction, donc ? Rien. Il resta figé là, comme tous les voyageurs qui attendaient que des places se libèrent pour récupérer sa valise.  Sauf qu’il n’avait pas de valise à récupérer et qu’il ne regardait pas le tapis coulissant mais la silhouette décidée de cette Antonella du futur. (Enfin du futur pour lui).

Au fond, fuir ou non, ça ne changeait rien. Antonella avançait les yeux rivés sur son téléphone. Et elle passa juste à côté de lui sans le voir. Anto sortie de son champ de vision, Alden se « défigea », le choc un peu passé. Il n’eut cependant pas le temps de se décider pour la suite (se retourner ? lui parler ? s’en aller ?), une certaine force le fit pour lui.

Alden se reçut un poids plume musclé, en mouvement et énervé en plein dans son épaule faible… ce qui avait de quoi être un peu douloureux (même si c’était surtout surprenant, la télépathie ne servant à rien anticiper un choc imprévu par sa cause). Cette cause ? Anto, évidemment. Toujours autant un boulet de canon. Et son Nokia était tombé pile aux pieds d’Alden, qui se pencha, quasiment par réflexe, pour le ramasser et la rendre à son propriétaire, avec un sourire inconscient en reconnaissant cet objet.

• feat. Antonella du futur

Les mains d’Alden étaient prêtes à se refermer sur le Nokia pour le rendre à sa propriétaire légitime… qui le prit de vitesse et récupéra elle-même son bien. Avec quelques mots aimables. Complètement dans la lignée de son « oh, sorry ». Bref, c’était Anto, quoi. Ça l’aurait fait se marrer s’il n’était pas aussi perturbé de la retrouver dans des circonstances pareilles. En tous cas, ce que cela voulait dire, c’était bien qu’Antonella… ne l’avait encore une fois pas reconnu, ou pas vu. C’était toujours Anto, concentrée sur un truc et prête à envoyer balader tout le reste sans diviser son attention.

-T’as pas changé, Anto répondit Alden.

Mais elle ne l’entendit pas, apparemment. Anto s’était déjà éloignée, toujours à son rythme de boulet de canon. (Entre ces trois interactions manquées – passer devant sans le voir, le choc des épaules et ça – Alden allait finir par penser que c’était le karma, ils n’étaient pas destinés à se recroiser ce jour-là. Enfin, sa croyance en le destin était assez limitée, voire inexistante… mais bon, quelle était la probabilité ?). Alden s’éloigna de ce sas de récupération des valises où il n’avait plus rien à faire… et reprit la même direction que celle d’Anto, à distance. Il ne savait toujours pas pourquoi. Ni s’il voulait vraiment lui parler – enfin si, ça il le voulait, mais ça paraissait juste être une trop mauvaise idée. Mais simplement la lâcher comme ça, sans rien faire d’autre, lui semblait inconcevable aussi. Il pourrait juste… l’observer un peu. Voir à quel point elle avait ou non changé. Et voir celle avec qui son double avait vécu – celle avec qui il aurait vécu s’il n’avait pas été un clone arraché à sa ligne temporelle.

• feat. Antonella du futur

Et donc quelle était la destination de cette Antonella en furie ? … Les bagages perdus, d’accord. Alden comprenait tout de suite pourquoi elle était aussi énervée. La pauvre. Enfin, il devrait plutôt penser « les pauvres », parce que des employés français allaient en faire les frais. En plus, il y avait peu de chances qu’elle comprenne davantage la langue française maintenant que lorsqu’ils s’étaient connus, vu les réactions qu’il avait pu observer. Forcément, il plaignait la Tsumi qui se retrouvait dans la galère. Et si ça avait été, une autre circonstance, si ç’avait été l’autre Anto, celle de 2002… il aurait eu comme réflexe d’aller l’apaiser (dans la mesure du possible, il ne faisait pas non plus des miracles…), de l’aider à gérer ça en Français et à prendre ça tranquillement. Mais ce n’était pas cette Antonella Tsumi.

« Les voyageurs du vol Easyjet n°433 à destination de l’aéroport de RIGA, départ à 14h53, sont appelés à se présenter aux portes d’embarquement, terminal B6 ».

Alden écouta l’annonce du départ de son avion d’une oreille distraite. (Déjà, vraiment ? C’était… bizarre, après tant d’annulations et un retard annoncé finalement pas si long). Il n’avait plus si hâte que cet avion décolle finalement. Et il continua d’observer une Antonella Tsumi qui semblait d’ailleurs attendre quelque chose d’autre que ses valises… Quelqu'un apparemment, vu ses pensées? Et il se posait des questions, sans encore faire le lien avec ce type qui arrivait.

• feat. Antonella du futur et Théophile, boyfriend inconnu

(RP perdu par mauvais édit, à réécrire)