Ah, le métro parisien. Une affreuse prison pour l’âme, du moins, pour celle de Neville. Debout face à l’une des portes en attendant que son wagon ne ralentisse avant de reprendre, et reproduise ce schéma jusqu’au bon endroit… le bouclé avait l’affreux loisir (et obligation) de voir son reflet dans la fenêtre. Avec ses bouclettes placées stratégiquement pour cacher les plus courtes (et anciennement brûlées). Et son écharpe rouge autour de son cou. Qui était soit-dit en passant, une très mauvaise idée car le jaune mourrait de chaud avec. Mais pourtant, il la gardait. Comme pour s’encourager à aller jusqu’au bout de ce « rendez-vous ». Déjà que chaque arrêt lui causait une torsion à l’estomac toujours plus forte, si en plus il se débarrassait de cet détail, de ce qui le raccrochait à Soixante-Dix-Huit… Il n’allait pas tremper le biscuit de si tôt. … C’était possible de redevenir puceau au bout d’un moment ? Et les sextos, ça aidait à ne  pas le redevenir ? Non mais Neville se posait vraiment la question parce que depuis sa dernière fois… Avec Léandre… Et bien, comment dire que ça datait…

En se rappelant ce détail, et prenant peur pour ses performances face (… en dessous?) à Soixante-Dix-Huit, Neville se sentit encore plus mal en se mettant en tête Pyrostructor. L’homme qu’il adulait plus que tout et… qu’il avait déçu. Et qui s’en était pris à ses bouclettes… Ses précieuses et adorables petites bouclettes qui le rendaient si sexy… Avec l’aide du reflet (qui était le bienvenu cette fois), Neville se replaça une dernière bouclette avant de se voir disparaître dans l’ouverture de son métro et d’en descendre avec une masse de personnes. C’était fou, il avait beau être entouré physiquement… Le soi-disant Fils A Papa se sentait depuis longtemps, plus seul que jamais. … Du nerf Neville. C’était pour ça que tu étais là. Que tu portais une écharpe rouge. Pour te trouver quelqu’un. Tu l’avais déjà partiellement trouvé, par textos (qui prenaient même une température plus chaleureuse) alors… Pourquoi ne serait-ce pas un peu plus le cas dans cette rencontre réelle ? Que ça soit charnelle ou juste verbal, au fond, Neville voulait juste s’entendre avec quelqu’un ne concernant pas l’Institut Trueman. Et si cela dérapait sur du plus physique, ça ne serait que mieux. Après tout, il n’y avait que comme ça qu’on appréciait d’autant plus le quasi-trentenaire. C’était ce qu’il avait entendu chez certains de ses coups d’un soir ou ce qu’il avait cru comprendre lorsqu’il se faisait interrompre dans ses divagations par une langue avide de la sienne. Mais au moins, ainsi, il n’était plus seul. Ou ne se sentait plus seul.

Mais voilà… Une fois que l’on avait gouté au Roquefort… on ne pouvait pas revenir à la Vache-Qui-Rit. Et Léandre Raja avait été le Fromage bleuté le plus extraordinaire en bouche de sa vie… Ça n’était pas pour rien si Neville n’avait trouvé personne ces derniers mois : il doutait. Il savait qu’il ne trouverait jamais mieux. Qu’il serait inexorablement déçu. Mais que faire lorsque votre numéro 1 dans votre coeur et dans votre vie vous détestait au plus haut point ? Ne fallait-il pas passer à autre chose ?… Etait-ce seulement possible ? Neville en doutait mais.. Au fond, un minuscule espoir lui réchauffait le coeur : l’égo de Soixante-Dix-Huit. Qui n’avait cessé de clamer depuis le début et jusqu’à maintenant (aussi bien à travers son pseudo qu’à travers ses propres mots) qu’il était Mieux que Pyrostructor. Et si c’était vrai ? S’il existait VRAIMENT une personne mieux que Léandre Raja ? Le doute était permis… Seulement pour s’offrir l’espoir que trouver une personne l’accompagnant et ne le faisait plus se sentir seul… était possible. N’était-ce pas l’espoir qui faisait vivre ? La bouclette s’y raccrochait terriblement. Et d’avantage grâce au caractere de mauvais garçon qu’avait sa rencontre du net. Neville se rattachait à ce qu’il pouvait.

Alors… Pourquoi à peine avait-il dépassé la première marche de l’escalier le remontant à la surface qu’il… rangeait son écharpe rouge dans son sac ?! Neville ne se refaisait pas. Il avait beau aimer les rencontres, les échanges et les moments intimes… Si Soixante-Dix-Huit était moche au final, ils s’en tiendraient aux banalités et à de la discussion pure et dire ! Et ça serait une belle après-midi ! Loin des sujets de pouvoir, de cours, d’école, juste deux adultes normaux. Et adultes. S’approchant de la trentaine. … Ou pas ? Neville n’avait jamais demandé l’âge à son correspondant mais… il avait une manière adulte de parler. Pas d’un petit jeune… Et puis ils avaient les mêmes gouts musicaux des années 2000, donc ça devait correspondre en terme d’âge… ça y est, ce grand couillon stressait encore plus. Ce fut encore plus le cas lorsque son téléphone vibra, soumis à nouveau à la vague de 4G qui habitait Paris une fois en dehors de ses entrailles.

Quand tu verras que je suis vraiment mieux que Pyrostructor, j'attendrais que tu l'admettes à voix haute.

Bon, d’un côté, ç’eut le mérite de faire sourire et même rire le paumé qu’était Neuneu. Ne s’en détachant pas totalement, ses doigts pianotèrent un « Il faut vraiment m’en mettre plein les yeux et me le prouver de certaines manières pour me prouver tout ça…:roll : <3 » et verrouillèrent le téléphone avant de voir la notification du message envoyé apparaître sur son écran. La vérité était que la pastille blanche… le resterait. Par une soudain panne de réseau s’en prenant à l’opérateur chez qui était Neville. Mais ça, il ne s’en apercevra pas. Car arrivé sur la place de  la Défense… Il ne ferait que regarder l’écran verrouillé de son iphone, pour observer l’heure et attendre une éventuellement notification du site de rencontre. Mais rien. Et les minutes passaient. Contrairement aux vestes rouges qui étaient totalement absentes du coin. Comme si l’univers s’était donné le mot pour n’offrir absolument AUCUN rebond au coeur de Neville qui aurait pu apercevoir un semblant de veste avant de comprendre que non, ça ne pouvait pas être son correspondant… Mais non. Rien. Du moins, pas grâce à une quelconque veste rouge. Non, son coeur fut pris d’un sursaut lorsqu’il croisa… Pyrostructor. … Help ?

Est-ce que Léandre l’avait vu ? … OUI. ET IL L’EVITAIT DU REGARD. Bon dieu, ça ne pouvait pas tomber plus mal… Neville se sentait encore plus mal, comme s’il… trompait sa vedette ? Alors que c’était Pyrostructor lui-même qui le fuyait visuellement ? Que devait faire Neville ? Mettre son écharpe et prier dans son coin ? Fuir ? Comme s’il avait été pris la main dans le sac… ? … Et n’étaient-ce pas les yeux émeraudes de Neville qui recherchaient à nouveau le contact avec les splendides pépites sombres de l’amour de sa vie ? … Et n’était-ce pas la voix partant vers les aigues de Neuneu (signe d’une gêne et d’une fausse surprise) qui vint chatouiller les oreilles de Léandre, une fois rapproché de lui… ?

« Heeeeeey, salut Léandre... » Reprends de la gravité dans ta voix, fait viril !… Ok, mais pour dire quoi ? Et pourquoi il s’était rapproché alors qu’il avait BIEN VU que Léandre fuyait son regard ? Un regard dans lequel il semblait avoir aimé se perdre toute une nuit… « Quelle surprise de te croiser là ! Qu’est-ce que… hum… tu fais ? » Oh. De la surveillance ? Et s’il attendait quelqu’un ? Et s’il avait un RENCARD ?! Est-ce que l’inconscience de Neville l’avait mené jusqu’à lui pour vérifier ça … ? Et pour… Le rendre jaloux, peut-être, s’il lui avouait qu’il allait voir quelqu’un… ? … Tout en essayant d’oublier que l’homme le plus beau et le plus précieux à ses yeux le détestait ..? Etait-ce seulement le bon moment ? … Oui. Chaque moment était bon pour essayer de récupérer les regards et sourires en coin de cet homme. Quoi qu’il puissait en couter à un Neville fou amoureux.… « Un nouveau rendez-vous auprès de la Flander's Company...? » Etait-ce idiot ? Ou intelligent ? Si c'était le cas, ça pourrait redorer l'égo du beau brun, car ça serait alors LOGIQUE qu'il soit là pour ça, d'un point de vue Nevillesque. De l'autre, si ça n'était pas le cas, ça blesserait son égo peut-être et... ça le rendrait peut-être plus vulnérable pour accepter les excuses de Neville...? C'était un plan potentiellement con mais il n'y avait que comme ça que le plus vieux ne l'avait jamais abordé : en tapant là où ça faisait mal. Il pouvait très bien le réconforter par la suite... Oui, Neville était désespéré. Assez pour se dire qu'il pouvait le récupérer en lui faisant du mal. N'était-ce pas un peu "super-vilain", de faire ça ? Quitte ou double.

Aïe. Est-ce que Neville se faisait ignorer ? Ça faisait bobo à son égo ça… Et...il en fallait pour arriver à cet exploit, vu le peu qu’il lui restait… Mais en fait, quoi que fasse et ferait Léandre Raja, ça le toucherait. Et ça reboosterait ou détruirait sa confiance, comme s’il était le seul à pouvoir déplacer le curseur sur l’échelle d’assurance du bouclé. Après tout, il en avait déjà tellement pris plein la face au cours de sa vie, par sa famille, par ses professeurs, par les autres jaunes et par les rouges, et même par les gens dans la rue, qu’à force… ça rodait. Sauf avec Léandre qui semblait garder ce contrôle constamment. Mais le bouclé gardait malgré tout son sourire cristallisé sur son visage. Il ne fallait pas paraître défaitiste. L’homme qu’il avait en face de lui aimait la prestance alors Neuneu ne devait pas faire sa bouille de chien battu. Car il méritait mieux que cet air de clodo pitoyable, Pyrostructor. Il méritait bien mieux : Il méritait un sourire amoureux et resplendissant d’admiration, tout comme son regard qui ne le quittait pas, et certainement pas pour chercher 78. Après tout, il avait son téléphone, il n’avait qu’à attendre que celui-ci ne vibre. Et alors, à ce moment-là, si son appareil vibrait sous une notification… Neville pèserait le pour et le contre. Continuer à dévorer Léandre d’un regard tendre ou abandonner définitivement (ou peut-être pas, mais soyons drama) ce combat déjà perdu d’avance et le rejoindre… Mignon ou non. … Intérieurement, la 2ème option le tentait… Non pas le côté abandon. Il ne s’y ferait jamais, même s’il ne voulait pas devenir un harceleur pour la célébrité de son coeur. Mais cette option permettrait peut-être de rendre Léandre jaloux. La bouclette partait du principe que pour être mieux que Pyrostructor, 78 devait avoir un sale égo et un truc de fou. Une personne lambda physiquement ne l’ouvrirait pas autant… Et alors, quand le Jésusdu13 partirait au bras d’un homme plus beau que Léandre (...imaginons, pour Neville, c’était juste impossible, mais…), la flamme de la jalousie dévorerait le brun et… et… Et il ne l’ignorerait plus. Et tout repartirait comme avant. Ça lui suffisait, que ça reparte comme avant. Se retrouver de temps en temps de manière intime, au détour d’un cours ou d’un dossier, dans le bureau ou chez Pyro, dans n’importe quel lieu que souhaitait le secrétaire tant que Neville retrouvait ses bras, son cou, son odeur… Il n’en voulait pas plus car il se considérait déjà heureux de n’être qu’un simple passe-temps ludique pour le grand homme qu’était Léandre Raja… Mais pour tout ce plan là, il fallait que son téléphone ne vibre pour retirer son regard vert de ses iris splendidement sombres… Et cela n’arrivait pas.

Ce qui arriva cependant, fut une réponse de Léandre qui offrit un peu de vigueur au coeur de Neville. Cela faisait depuis si longtemps que ce dernier n’avait pas eu la chance d’avoir des mots de Pyro dirigés à son encontre. Si bien que, même si ses yeux pétillèrent sous l’information croustillante, son sourire se fit plus sage. Pendant que son coeur se brisa sous la suite des paroles du second de Mila.

Un rencard.

C’était l’occasion pour l’ainé du duo d’avouer que lui aussi avait cette chance ! Mais… Non. En fait, il préféra ignorer la dernière information reçue. … Même si les paroles qui s’échappèrent de ses lèvres étirées pouvaient porter à confusion sur le sujet qu’ils traitaient…

« Tu as raison. » Passe à autre chose. « Personne ne te mérite. » Encore moins lui-même… Ni ce putain de rencard. « Ça me fait plaisir que tu sois passé à autre chose. » Il serra fébrilement son portable, espérant une vibration pour pouvoir lacher les traits de Léandre et avoir quelque chose à quoi se rattacher mais… Rien. « Tu mérites vraiment mieux. Je suis content pour toi, je suis sûr que ça va marcher. » Etait-ce le bruit d’un (de plusieurs.) coeur se brisant qui venait de retentir ? Au final, comme s’il n’avait pas tant que ça ignoré la dernière phrase de son amour de toujours, Neville finit par répondre, comme pour marquer qu’en plus de comprendre tout ça, toute cette fichue situation… Il avançait aussi. Et acceptait que Léandre le dégage. « Et… je sais que tu ne me l’as pas demandé mais… Moi aussi je suis là pour un rencard. Le hasard est drôle. »

Ou peut-être pas ? Après tout, le couple qui venait de se retrouver devant eux à quelques mètres semblait faire de ce lieu l’endroit idéal pour un point de rendez-vous. Et c'est devant leur baiser timide qu'il se laissa échapper quelques secondes de l'attraction qui émanait de Léandre... Avant de se reposer sur lui. Est-ce que du coup... Il devait le laisser tranquille ? Il ne savait pas vraiment ce qu'avait voulu faire Léandre en lui balançant un tel boulet de canon. Le rendre jaloux ? Ou le faire dégager ? Neville était long à la détente, il en était conscient mais là, il avait encore plus de mal à interpréter l'envie de l'homme.

Neville essayait de passer à autre chose tout comme Léandre semblait l’avoir fait depuis cette maudite après-midi de paintball… Une dure journée après laquelle il alla pleurer dans les bras de son Jayden qui eut du mal à le réconforter. C’avait été pire qu’une rupture, c’était une trahison. De sa propre part. Et au final, il avait trahi l’homme qu’il aimait et son petit protégé… C’avait été un sacré coup dur pour le bouclé malgré les papouilles et le soutien de son bro des heures suivants le massacre…

Alors, persuadé qu’il était le dernier à passer à autre chose dans leur duo, il n’avait pas observé la réaction de Léandre lorsqu’il avait rapporté attendre lui aussi son rencard. Il l’avait vraiment avoué parce que c’était drôle, ce hasard, mais aucunement pour le rendre jaloux au final. Pour lui, tout était perdu. Et même la question de Léandre à ce sujet ne lui offrit pas un ravivement dans son coeur. C’était juste de la curiosité. Ou plutôt… un moyen de lui demander quand est-ce qu’il aurait la paix et serait débarrassé du bouclé, sûrement. Secoué par leurs « retrouvailles », Neville réfléchissait mal et en oubliait que… Si Pyrostructor aurait voulu qu’il dégage, il le lui aurait intimé directement, sans égard, sans délicatesse. Enfin, c’est ce qu’aurait pensé le Neuneu normal. Sauf que là, il n’était pas dans cet état là.

« Je ne sais pas, j’suis plus ou moins à l’heure, s’il y a un peu de retard, c’est pas grave. » La seconde phrase était plus destinée pour lui-même en fait, comme s’il se réconfortait face à l’absence de veste rouge. 78 allait arriver, bientôt. Ou aller envoyer un message à 13. Pour un peu de retard ou parce qu’il ne le voyait pas, puisque l’apprenti vilain n’avait pas son écharpe autour du cou… Son regard glissa de Léandre jusqu’à son téléphone dont il éclaira l’écran, laissant juste apparaître un fond d’écran de Jayden et lui en train de faire les idiots (pour ne pas changer). Mais aucune notification encore. Et plus aucune photo de Pyrostructor sur son écran d’accueil non plus. Pour autant, il ne l’avait pas totalement dégagé de sa vie puisqu’il voulait continuer cette discussion avec lui, balancer un fameux et toi? pour poursuivre un échange qui lui avait manqué. Mais voilà. Neville lacha son téléphone des yeux et observa devant eux avant de voir… Un homme au loin. Avec un pull rouge… ou… bordeau. A la taille. Sur son téléphone. Et semblant chercher quelque chose… Ou quelqu’un... Et… Il était mignon. Pas vrai ?

Un sourire rassuré se dessina sur ses traits. 78 était là. C’était certainement lui !… Il devait donc… abandonner Léandre. Son corps semblait prêt, vu comment il avait quitté le mur contre lequel il était adossé, se mettant aussitôt sur la pointe des pieds pour mieux observer l’homme au loin. Retournant sur ses talons, Neville se pinça les lèvres en observant Léandre.

« Ça doit être lui. … Excuse-moi de t’avoir dérangé. Et… pour la dernière fois encore. » Neville ne pouvait pas passer à autre chose s’il n’arrivait pas à s’excuser dans ce face-à-face. D’habitude, il se retrouvait face à un mur. Là, c’était face à Léandre. Enfin. Mais c’est que ça signait la fin ? « Je crois que je m’en voudrais toute ma vie pour ça, honnêtement. Je voulais juste que tu le saches. Te le dire à toi et... Pas au mur que j'ai eu en face de moi lors de mes dernières tentatives... » Il laissa un temps se passer, hésitant, avant de lancer après un bref regard vers le potentiel 78 : « Tu me manques Pyro'. » C’était idiot d’être aussi raide dingue de Pyro mais c’était ainsi.

Neville avait longtemps eu une vie de merde. Rejeté par sa famille, perdu en pleine rue, plongé dans la drogue, l’alcool et d’autres sombreurs… Oui, ce brave bouclé avait bien vite appris que la vie n’était pas un conte de fée. Du moins… la sienne. Et qu’il n’aurait jamais droit à un bonheur extrême. Juste… à respirer un peu d’air frais, un semblant de chose positive, une pseudo bouffée de vie, juste pour le maintenir dans la réalité. Parce que c’était drôle de torturer le débile aux bouclettes ! Alors, au bout d’un moment, il avait compris. Il était con mais… Pas naïf. Enfin, plus vraiment sur sa destinée.

Aussi, quand Léandre Raja répondit au jaune qu’il lui avait aussi manqué… Cette logique céleste continua : Neville savait qu’il mentait. Ou en tout cas, qu’il ne lui avait pas manqué de la même manière. Car si quelque chose avait mis Léandre en manque, ça n’était certainement pas la personnalité du FAPFAP. Ou ses sourires. C’était… plus bas. Vers le bassin, l’ensemble, tout ça. Ça n’était pas très dur à deviner. Mais ce qui était le pire, dans ce simple « moi aussi » hypocrite, c’était que Léandre savait très bien que chacun d’eux deux ressentait un manque bien différent de l’autre. Neville, lui, voulait juste s’enivrer de ses bras et de son odeur au final. C’était de l’innocence pure. Des sentiments innocents. De l’amour, juste.

Mais ça restait quand même une sorte de réciprocité après tout, hein ?… Le genre de petite dose de bonheur qu’il arrivait à grappiller pour continuer à rire et survivre au lieu de s’écrouler, lui donnant l’opportunité de continuer à se donner en spectacle pour les spectateurs de sa vie. Et c’était peut-être la plus belle dose qu’on ne lui avait pas donné depuis longtemps. A cet instant, cette injection de morphine dans sa vie fut même si forte que ça dépassait l’entendement. Léandre le pardonnait, là, en quelques sortes, non ? Est-ce que sa vie passait de Plus Belle La Vie (ou ça puait constamment la merde) à L’amour est dans le près ? Certes, ça puait aussi la merde, mais là, ça n’était pas une métaphore et il y avait des couples, des bisous et de l’amour ! Donc c’était une avancée spectaculaire !

Alors, se disant que Léandre n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, Neville laissa son regard sur lui et garda le silence. Ça faisait tant de bien à son égo, de laisser Léandre mener la danse alors que le fautif dans l’histoire, celui qui avait merdé, n’était certainement pas lui ! C’est donc derrière la proposition d’un programme tout à fait chaste que Neville comprit l’intérêt qu’il regagnait chez son idole.

Le regard verdoyant de l’ainé de ce drôle de duo se stabilisa de nombreuses secondes sur le sous-fifre avant de regarder derrière lui le blond au loin. 78, donc. Et ce fut la dernière fois qu’il vit l’homme car au moment ou il déposa à nouveau son attention sur Léandre… Il ne le lâcha plus. Sa main finit même par s’avancer pour retrouver la sienne, et, au lieu de le tirer, il le rejoignit lentement.

« D’accord. Chez toi. » Neville raffola de ses derniers mots chuchotés. Mais ce dont il raffolait le plus, étaient les lèvres qui avaient délivrés l’invitation chez lui. Et qu’il se permit de kidnapper  quelques secondes qui lui parurent trop minces pour rattraper les semaines passées sans l’embrasser. Même si ça réveilla son coeur qui semblait s’être glacé depuis la trahison faite au super-vilain. « Je prends une avance sur la journée. » Sa main libre finit par se faufiler sur sa joue, pour ensuite glisser dans sa nuque, reliant à nouveau leurs lèvres. « Une très grosse avance. J'en avais bien besoin. Et même là, encore...» ajouta-t-il avec un sourire gamin, laissant enfin le pauvre Léandre tranquille. Bah oui, bien sûr, montre encore et toujours à quel point tu lui es accroc, il ne s'en était pas encore aperçu et n'en profitait absolument pas du tout.

Dire que les yeux de Neville pétillèrent de milles feux le reste de l’après-midi serait un euphémisme. C’était l’homme en soi qui pétillait à nouveau en fait, dans les bras de Léandre qui lui avait tant manqué… Léandre, hein. … Bon, ses bras aussi. Et son regard. Et son sourire. Et sa voix. Et son souffle. Tout en Léandre faisait pétiller d’amour et de plaisir le bouclé qui avait désormais quitté la rue avec le secrétaire depuis plus de deux heures pour aller s’enfermer dans le nid de ce dernier. Théoriquement, c’était pour « regarder un film », ou un truc du genre mais… Comment dire que le Jésusdu13 avait rapidement guidé Léandre vers autre chose que sa télévision à peine la porte de chez lui fut-elle refermée.


Allongé contre lui, mais le surplombant aussi bien avec son torse que de ses yeux, le Leblanc caressait tendrement l’épaule nue de l’homme qu’il idolâtrait. Ou aimait. Il y avait une différence ? Neville ne savait pas, tout ce qu’il savait, était qu’il se retrouvait dans une passion qui le consumait quand la personne qu’il voyait là, à cet instant, n’était pas à ses côtés. (Oui, ç'avait été compliqué ces derniers temps, du coup...) Et quand il était là, à ses côtés, comme là ? La passion le menait à poursuivre quelques baisers papillons, quelques caresses et toutes autres tendresses même après avoir fait les fous sous la couette. Neville n’en manquait jamais et était juste un réservoir de mignonneries, à travers ses gestes comme ses mots, agrémentés sans cesse de débilités qui le faisait sourire et rire.

« C’est pas pour te pousser à me faire la gueule plus souvent mais... » Son doigt glissa de son épaule jusqu’à son torse sur lequel il s’amusa à dessiner des formes imaginaires. « … j’ai l’impression que ça n’a jamais été aussi piquant qu’après ces longues semaines d’abstinence. » (Abstinence du côté de Neville, en tout cas...) Et dieu, que Neville espérait que Léandre ne prendrait pas ça comme un « prenons du recul pour toujours plus de plaisir » même s’il avait prévenu dès le départ qu’il ne voulait pas faire passer un tel message. Après, ils pouvaient « espacer » mais… sans devoir attendre que la « dernière fois », qui avait bien crevé le petit coeur du bouclé. … Ou en fait, il s’en fichait. C’avait beau avoir été plus explosif que les dernières fois, au final, Neville préférait encore et toujours ce qu’il se passait après : un calin chaste et fatigué, une sieste dans les bras l’un de l’autre, quelques regards silencieux échangés, quelques baisers qui n’étaient autorisés que dans ce genre de contexte et qui seraient alors interdits dès lors qu’ils quitteraient leur intimité… Donc bientôt, selon.

Aussi, c’était dans ce moment terriblement doux (pour Neville, du moins, qui essayait de partager la tendresse du moment sur Léandre) que des vibreurs brefs s’implantèrent. L’ainé reconnut le vibreur du sien mais s’en fichait pour le coup : il était avec Léandre et pour rien au monde il ne voudrait quitter la douceur de ce cocon. Même s’il eut bien aussi reconnu le type de vibration qui provenait d’une notification de tinder. Surement 78 mais… Clairement, quand on avait Pyrostructor en face, il n’y avait pas à tergiverser : il n’y avait personne de « mieux » que lui. Et donc personne qui méritait que Léandre ne perde l'attention de son fan numero 1.

Franchement, QUI aurait hésité une seule seconde entre regarder son téléphone (surtout après avoir posé un lapin, Neville voulait attendre encore un peu avant de se faire consumer par cette culpabilité!) et offrir toute son attention à Pyrostructor ? Pas Neuneu. Encore moins alors que les paroles du beau secrétaire résonnaient encore dans sa tête. C’était une sorte de proposition de prise de rendez-vous non, les précédents mots de Léandre ? Ou bien une envie de remettre le couvert, là, tout de suite, dans l’immédiat ? L’ainé n’eut pas le temps de trouver sa réponse que cette fois, la voix qui résonna ne fut plus dans sa tête. Oups. Léandre avait vu la notification du site de rencontre.  

La dernière phrase prononcée replongea Neville dans ses précédentes pensées au final. Est-ce que Léandre appuyait le fait que… Lui seul serait là pour ce genre de moments ? Et qu’il était temps de dégager les autres ? Ok ok Neville, on se calme, on réfléchit. C’était… Plausible. Non ? Heureusement pour le Jésus local, ses yeux étaient encore perdus sur la table de chevet, sinon, il aurait offert des yeux de merlans frits dont le cerveau chauffait trop…

« Je-... » Mais je rien. Le téléphone du secrétaire vibra à son tour. Et avec horreur, il put distinguer le logo de Tinder également. Merde. Et si c’était le gars avec qui Léandre avait eu rendez-vous et qu’il revenait à la charge ? Et si ç’en était UN AUTRE ? « Je regarderai plus tard ! » Oups, cette phrase sortit de sa bouche bien trop vivement, comme s’il voulut dévisser les yeux de Léandre de cette fichue notification avec une bizarrerie à la Leblanc. « Euh, je… veux dire… Je m’en fiche de lui. Je lui dirai d’arrêter d’attendre plus tard. » Aller, on se calme Neville. C’est avec un ton plus bas qu’il continua d’étaler ses pensées. « Je suis avec toi pour l’instant et je me fiche bien de lui. » Lentement, son bassin bascula pour se coller à celui du brun, imitant ce rapprochement entre leurs visages, faisant frôler leurs nez alors qu’il reprit la parole dans un moment plus intime, de part le volume de sa voix murmurante. « Et toi ? » S’amusant à frôler les lèvres du pyrokynesiste, il ajouta à ce jeu de séduction une main qui dévala son torse pour aller caresser du bout des doigts l’os de son bassin. N’était-ce pas Léandre qui avait parlé de « remettre ça dans pas longtemps » après tout ? Et si cela pouvait se passer suite à un petit moment romantique durant lequel chacun acceptait de dégager l’autre gars… « Tu ne vas pas dire à ton poseur de lapin d’arrêter d’essayer de te récupérer ? » Le détenteur de bouclette offrit un bref baiser (mais pas pour autant moins langoureux qu’un autre) prometteur afin d’attirer l’attention de ses prunelles. Et d’avantage pour lui rappeler ce qu’il avait là, dans l’immédiat, avec lui. « Et que tu as quelqu'un qui ne te mettrait jamais dans une telle situation ? Et qui est là... » Parce qu'il était prêt à tout par amour. Là, tout prêt. Ses phrases pouvaient être confuses pour Léandre qui pouvait éventuellement déceler une sorte d'approche légère... Même si Neville était loin d'avoir mis les pieds dans le plat. Il faisait passer tout ça, tout en douceur. Tout en finesse, subliminalement.

Retourner sous la couette, bien sûr que c’est ce que désirait Neville ! Mais plus que tout, il aurait voulu que Léandre envoie un sms salé à son poseur de lapin, qu’il le dégage entièrement de sa vie pour faire la place tout entière au propriétaire de bouclettes. Plus que ça encore, le jaune aurait bien voulu que Léandre comprenne ses sous-entendus… Mais tant pis, ça n’était que partie remise. C’était à décaler juste après cette envie de second calin dont Léandre récupéra les rennes que lui tendait son dévoué admirateur du bout de ses lèvres. Dieu qu’il était accroc à cet homme. Le secrétaire ne pouvait que le remarquer, à travers ses yeux pétillants, son sourire damné, ses attentions et ses mots tendres. Que cela soit à travers un instant intime comme à travers un simple moment calme.

Et ces deux sortes de moments s’enchaînèrent donc, sans que Neville ne change son comportement digne de la représentation de la douceur incarnée. Bouclettes écrasées sur son torse, le fapfap n’hésitait plus à aussitôt recoller son amant dès lors qu’ils en avaient finis. Ça ne dérangeait pas Léandre d’avoir une glue à ses côtés, alors l’ainé profitait allègrement. Il adorait coller sa joue sur son torse et faire des dessins invisibles en louchant sur sa peau, y déposant quelques légers baisers papillons dessus. Qu’il récole des caresses ainsi ou pas, Neville s’en fichait, il était juste bien et apaisé et se sentait déjà au paradis, prêt à juste attendre que le temps ne passe. … bon, ok, il préférait quand même quand les doigts de l’homme qu’il aimait venaient s’entortiller dans ses bouclettes. Aussi, après quelques secondes à l’avoir laissé sur son téléphone, Neuneu décida qu’il était temps pour lui de quémander ce qui lui était dû : un peu de tendresse. Et… Un Léandre tout entier.

Guidant sa main lentement vers sa table de chevet pour que Léandre lâche son téléphone dessus, Neville essaya de recommencer son envie de tout à l’heure : lui faire comprendre son envie d’être exclusif. De n’être rien qu’à lui… Sans personne d’autre à côté. D’être son petit ami. Ensemble. Ça allait bien entre les deux et… après tout, Neville lui avait manqué ? Il le lui avait dit. Et Pyro était doux avec lui, quand il ne lui faisait pas la tête bien sûr, mais ça ne l’avait fait qu’une fois après tout. Délicatement, ses bouclettes allèrent chatouiller le nez puis le front du sous-fifre avant de planter son regard  dans le sien.

« Léandre.. ? » Aller, une grande inspiration. Ça allait bien se passer. Ok, la dernière fois qu’il avait demandé à quelqu’un d’être ensemble, ça datait de son adolescence, ou près de ses 20ans, peut-être. A la rue, il n’avait plus la possibilité de tout ça. Mais aller, c’était comme le vélo, on retrouvait ses réflexes ! Et il valait mieux les retrouver vu que Léandre ne l’aidait pas du tout à pédaler ! Si ça n’était le faire pédaler dans la semoule en fait… Il ne voyait rien, n’avait rien compris, ne se rendait pas compte de l’amoureux transi qu’il avait à ses pieds et dans ses bras.

« Est-ce que tu veux sortir avec moi ? »

… On vous l’avait dit, que la dernière fois remontait à son adolescence ! En presque 10ANS sans évoluer, sans connaître le concept de couple, sans connaître le concept de demander autrement que  comme un collégien, il était NORMAL que sa demande soit si innocente et juvénile ! Et en parlant d’innocence… Il fallait le voir, son visage pur, surplombé d’un sourire qui était prêt à accueillir qu’une seule réponse. Après tout, ils formaient un joli duo tous les deux, non ? Le Leblanc était tellement dans sa bulle qu’il avait oublié durant ces quelques instants à quel point il n’était qu’une pitoyable vermine n’arrivant même pas à la cheville de l’homme qu’il courtisait. Alors qu’il se le rappelait tout le temps et avait toujours tout fait pour ne pas embêter Léandre devant trop de monde, n’allant le voir que lorsqu’il était seul en général, pour ne pas le gêner par sa présence… Mais là, dans ce qui semblait être leur bulle, pour une fois, le bouclé l’avait oublié et se considérait tous les deux comme deux êtres humains. Comme deux êtres humains dont un était extrêmement fabuleux, bien sûr. Quand même...